Le nouveau chef d’Etat, qui succède au président sortant modéré, Hassan Rohani, entame un mandat de quatre ans.
L’ultraconservateur Ebrahim Raïssi a été intronisé président de l’Iran, mardi 3 août. Il devra s’atteler à redresser une économie minée par les sanctions américaines et la crise sanitaire, ainsi que relancer les pourparlers pour sauver l’accord international sur le nucléaire. Vainqueur de la présidentielle de juin, marquée par une abstention record, M. Raïssi succède au modéré Hassan Rohani, qui avait conclu, en 2015, un accord sur le nucléaire iranien avec les grandes puissances, après des années de tensions.
Ancien chef de l’autorité judiciaire, le nouveau président, âgé de 60 ans, entame officiellement son mandat de quatre ans après l’approbation de son élection par le guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei. « Conformément au choix du peuple, j’intronise l’homme sage, infatigable, expérimenté et populaire Ebrahim Raïssi comme président de la République islamique d’Iran », a écrit le guide suprême dans un décret, lu par son chef de cabinet.
L’ayatollah Khamenei doit prendre la parole après une courte déclaration du nouveau président, lors d’une cérémonie où, en raison de l’épidémie du Covid-19, seul un nombre limité de responsables a été invité. M. Raïssi prêtera serment jeudi, devant le Parlement, auquel il devra présenter ses candidats pour les postes ministériels.
Lever les sanctions américaines
La présidence de M. Raïssi devrait consacrer la mainmise des conservateurs sur le pouvoir, après leur victoire aux élections législatives en 2020. Pour Clément Therme, chercheur à l’Institut universitaire européen basé à Florence, en Italie, l’objectif « principal [de M. Raïssi] sera l’amélioration de la situation économique en renforçant les relations économiques entre la République islamique d’Iran et les pays voisins », mais aussi avec la Russie et la Chine.
En 2018, l’ex-président des Etats-Unis, Donald Trump, avait retiré son pays, ennemi de la République islamique d’Iran, de l’accord de 2015 et rétabli les sanctions américaines contre Téhéran. En riposte, l’Iran avait renoncé à la plupart de ses engagements-clés qui limitaient ses activités nucléaires controversées.
Les sanctions rétablies par Washington ont étouffé l’économie iranienne, mettant notamment un coup d’arrêt à ses exportations pétrolières. Au cours de l’hiver 2017-2018, et de nouveau en 2019, l’Iran a été secoué par des manifestations, sur fond de mécontentement social lié à la situation économique. En juillet, des habitants de la province riche en pétrole du Khouzistan, au sud-ouest du pays, ont protesté contre les pénuries d’eau. « Nous chercherons certainement à obtenir la levée des sanctions oppressives, mais nous ne lierons pas les conditions de vie de la nation à la volonté des étrangers », a déclaré M. Raïssi lors de la cérémonie d’investiture, retransmise par la télévision d’Etat.
La crise économique a été aggravée par la pandémie de Covid-19 ; le pays est le plus durement touché du Proche et Moyen-Orient. Lors d’un discours devant le conseil des ministres dimanche, Hassan Rohani a défendu son bilan. « Ce que nous avons fait l’a été dans une situation difficile, conséquence de la guerre économique et du coronavirus, et cette année, la sécheresse s’y est ajoutée », a-t-il affirmé.
Défendre les « intérêts nationaux »
M. Rohani « a cru qu’il serait capable de résoudre rapidement tous les problèmes du pays », note l’économiste réformiste iranien Saïd Laylaz, conseiller auprès de plusieurs présidents iraniens. Le président sortant a fait preuve d’« idéalisme » dans sa politique d’ouverture à l’Occident, tandis que M. Raïssi choisira une voie différente, estime-t-il. L’ayatollah Khamenei, ultime décideur sur les dossiers sensibles comme celui du nucléaire, a, par ailleurs, averti la semaine dernière encore que « faire confiance à l’Occident ne fonctionnait pas ».
Le successeur de Donald Trump, Joe Biden, a affirmé être prêt à revenir à l’accord de 2015. Il s’est engagé dans des négociations indirectes avec l’Iran, parallèlement à des pourparlers à Vienne avec les autres parties à l’accord – Chine, France, Allemagne, Russie, Royaume-Uni. Alors que les négociations semblent bloquées jusqu’à l’entrée en fonction de M. Raïssi, ce dernier a, d’emblée, souligné qu’il défendrait les « intérêts nationaux ».
Dans un nouvel épisode de tensions avec l’Occident, Washington et Londres ont rejoint Israël en accusant l’Iran d’être derrière une attaque contre un pétrolier géré par un milliardaire israélien en mer d’Oman, qui a fait deux morts le 29 juillet. Les Etats-Unis ont menacé d’« une réplique appropriée ». L’Iran a, de son côté, nié son implication, avertissant qu’il répondrait à tout « aventurisme » s’il était pris pour cible.