L’ex-président tchadien, Hissène Habré est décédé en détention, ce mardi, 24 août 2021 à Dakar. Plongée dans la vie mouvementée du « Guerrier du désert ».
Il est mort comme il a vécu : en éternel combattant ! Mais, sa dernière bataille pour sa libération ne sera, hélas, jamais gagnée. Ceci, malgré l’engagement inexorable de sa femme Fatima Raymonde Habré (ancienne journaliste de la télévision Tchadienne) et de ses avocats qui ont porté le processus de libération à bout de bras, en dépit des nombreux refus opposés à leur demande. En détention à Dakar, l’ancien homme fort de N’Djamena, qui a dirigé le Tchad d’une main de fer du 7 juin 1982 au 1er décembre 1990 (8 ans) est décédé, seon ses proches, du Covid-19 .
Une situation que regrette le gouvernement sénégalais qui comptait « le libérer » après la troisième vague de Covid-19. « Qu’Allah lui pardonne ses péchés et lui accorde le paradis. Qu’il donne à sa famille la force de surpasser ce deuil. On a pensé à le libérer après la troisième vague, mais c’est tout un processus. Quand il est tombé malade, il a été interné dans une des cliniques privées les plus huppées de ce pays, et c’est là-bas que la maladie s’est aggravée. La procédure enclenchée devait lui permettre de regagner sa demeure avec un bracelet électronique. Il ne devait pas retourner en prison, Dieu en a décidé autrement », a indiqué le ministre de la Justice sénégalais.
La chancellerie d’ajouter que : « lors de la première vague il a été sorti de prison pour le protéger contre la Covid-19. Mais après cela, il fallait qu’il retourne en prison par la suite pour ensuite déclencher la procédure visant à le libérer sous condition sous bracelet électronique. Le Sénégal a tout fait pour mettre à l’aise Hissène Habré et sa famille. On leur a accordé la nationalité sénégalaise ».
Terreur du Tchad, citoyen modèle de Ouakam
Au Sénégal, en effet, l’ancienne terreur du Tchad a trouvé asile. Il est même adopté par la population de Ouakam (commune du département de Dakar) où il menait avec sa famille une vie douce depuis qu’il a posé son avion (Un Lockheed L 100 Hercules à hélices, cadeau des Etats-Unis, selon Libération) à Dakar le 1er décembre 1990 après avoir été chassé du pouvoir par le Général Idriss Déby Itno. A Ouakam, l’ancien dictateur est considéré comme un citoyen modèle, un bon musulman.
« Ouakam s’est réveillé dans la douleur ainsi que tout le Sénégal. Personne ne souhaitait cette fin à Hissene Habré. Hissene est quelqu’un de bien, il suffit de s’asseoir avec lui pour se rendre compte à quel point il aimait son pays. Il avait des bonnes relations avec les habitants de Ouakam », témoigne le Jaaraf Youssou Ndoye à sa mort, ce mardi 24 août 2021.
Habré avait réussi à tisser un vaste réseau politico-religieux autour de lui afin d’effacer de la mémoire collective toutes les exactions dont il était accusé au Tchad durant ses 8 années d’exercice du pouvoir. Les autorités sénégalaises parmi elles Abdou Diouf, Abdoulaye Wade l’ont protégé pendant près de deux décennies malgré les pressions étrangères (Un mandat d’arrêt international lui avait été décerné pendant tout ce temps), alors qu’au Tchad il était accusé d’être responsable de la mort de près de 40 000 personnes.
Ceci, après la découverte, en janvier 1992 après son renversement, d’un vrai charnier à 25 kilomètres de la capitale. Plusieurs centaines de fosses communes contenant chacune plus de 150 squelettes de détenus exécutés par sa redoutable police politique, la DDS (direction de la documentation et de la sécurité), avaient été découvertes.
Jeune étudiant révolutionnaire, dictateur impitoyable
Pourtant, le jeune Habré, inspiré par Frantz Fanon, Che Guevara et Raymond Aron qu’il lisait souvent, avait des idées dignes d’un révolutionnaire éclairé…avant que le pouvoir qu’il a hérité par les armes (il a renversé Goukouni Weddeye le 7 juin 1982) ne lui fasse perdre la tête. Nommé sous-préfet de Moussoro par le président Tombalbaye, le jeune Habré décide, la même année, d’aller poursuivre ses études en France à l’institut des hautes études d’outre-mer avant de s’inscrire à des cours de droit à l’institut d’études politiques.
De retour au Tchad, le jeune prodige est nommé par Goukouni Weddeye commandant des forces armées du Nord (FAN). Il se sépare de ce dernier à qui il reproche d’avoir accepté l’annexion par Kadhafi de la bande d’Aozou en 1973. Réfugié au Soudan, aidé par le renseignement français, Habré retourne au Tchad en 1982 et lance l’offensive contre Goukouni Weddeye, s’empare du pouvoir et contraint ce dernier à l’exil à Tripoli.
Épaulé par la France et les Etats-Unis dans le cadre de l’opération Epervier, Habré gagne la reconquête de la Bande d’Aozou en 1987.
Fin d’état de grâce pour « le guerrier du Désert »
Le seul hic est que « le guerrier du Désert », gérait l’Etat avec le caractère impitoyable du chef de guerre qu’il était. Nanti de l’appui des Etats-Unis, Habré s’est donc détourné de la France. Un choix qui finira par se retourner contre lui, puisque le Général Idriss Déby (aidé par la France) le renversera le 1er décembre 1990. Depuis il avait trouvé refuge et asile au Sénégal.
Mais le long état de grâce a pris fin le 30 juin 2013, jour où il a été placé en garde à vue puis mis en détention provisoire le 2 juillet 2013, dans le cadre de l’enquête des chambres africaines extraordinaires. A l’issue d’un procès marathon qui a débuté le 20 juillet 2015, Hissène Habré a été condamné à la prison à perpétuité, le 30 mai 2016, pour crime contre l’humanité, viols, exécutions, esclavage et enlèvements.
Hissène Habré est décédé à l’âge de 79 ans, ce mardi 24 août 2021, dans une clinique Dakaroise.