Un dégonflement de la bulle de l’immobilier est à craindre en Chine. Et en France, « une simple reconnexion entre les prix de l’immobilier en France et le revenu des ménages justifierait une baisse d’environ 20% », relève notre chroniqueur Marc Touati, président du cabinet ACDEFI.
Seulement voilà, même si l’arbre chinois de la croissance est un sequoia, il a aussi ses limites. D’ailleurs, depuis une dizaine d’années, les Chinois savent qu’une crise financière et une crise de croissance sont inévitables. Après un premier coup de semonce lié à la pandémie du “Coronavirus de Wuhan”, l’économie chinoise se heurte désormais à des pénuries de matières premières qui freinent l’activité économique, mais aussi à une flambée excessive des prix immobiliers, qui interdisent à de plus en plus de Chinois, déjà affaiblis par le ralentissement économique, d’accéder à la propriété. Dès lors, les promoteurs immobiliers de l’Empire du milieu qui avaient massivement construit limitless, c’est-à-dire en imaginant que les arbres pouvaient dépasser le ciel, sont désormais en danger.
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Ainsi, tout juste quelques semaines après les déboires du premier promoteur immobilier chinois, Evergrande, c’est au tour de deux autres promoteurs chinois, Fantasia et Sinic, de mordre la poussière, puisqu’ils sont également dans l’incapacité de payer les échéances de leurs dettes. Ces nouvelles difficultés confirment donc que la bulle immobilière chinoise est en train de se dégonfler. D’où cinq grandes questions.
1. Pourquoi le gouvernement chinois laisse-t-il ses fleurons immobiliers s’effondrer ?
A titre de comparaison, en 2015, lorsque des banques chinoises étaient au bord de la faillite, celui-ci les avait aidées et parfois recapitalisées, notamment en puisant plus de 1.000 milliards de dollars dans les réserves de la Banque Centrale Chinoise. Si bien que cette crise bancaire est passée inaperçue. Aujourd’hui, sachant pourtant manier avec habileté l’art de la rétention d’information, il lâche en pâture certains de ses fleurons immobiliers. De quoi laisser penser qu’il souhaite à la fois faire des exemples et aussi redistribuer les cartes et les actifs de son secteur immobilier.
2. Quelles conséquences pour l’économie chinoise ?
Si cette dernière paraît en mesure de digérer le choc de quelques faillites de promoteurs immobiliers, elle connaîtra néanmoins un fort ralentissement qui devrait se traduire par une chute de la croissance de l’ordre de 8,6 % cette année à environ 6,5 % l’an prochain. D’où une autre question :
3. Quels risques pour l’économie mondiale ?
Dans la mesure où la Chine est la locomotive incontestable et incontestée de l’économie mondiale depuis plus de vingt ans, il est clair que sa décélération se traduira par une nette réduction de la croissance du PIB planétaire qui devrait passer de 5,2 % cette année à au mieux 3,5 % en 2022. Et ce d’autant que la poursuite des tensions inflationnistes à travers le monde et la remontée progressive des taux d’intérêt des obligations d’Etat dans la plupart des pays du globe aggraveront le ralentissement économique.
4. Un tel dégonflement de bulle immobilière est-il possible en France ?
Même si la situation chinoise est évidemment bien différente de celle qui prévaut en France, elle rappelle néanmoins une réalité incontournable, en l’occurrence celle de la soutenabilité de la dette. En effet, la dette est souvent saine. Elle permet par exemple à un particulier d’acheter sa maison. S’il n’était pas possible de s’endetter, seuls des ménages très aisés seraient propriétaires. De même, une entreprise s’endette pour pouvoir investir et embaucher, de manière à se développer, gagner des parts de marché et générer du profit.
En revanche, ce qui est beaucoup plus problématique, c’est lorsque cette dette ne génère pas suffisamment de croissance, donc d’activité, de business ou encore de revenus, simplement pour assurer le paiement annuel des intérêts de la dette ou encore le remboursement du capital. Dans ce cas, pour assurer ce dernier, il faut encore augmenter son endettement, qui devient alors explosif et se transforme en surendettement. Pire, cette situation finit par obliger le surendetté à vendre ses actifs, son patrimoine immobilier, voire ses propres biens, avec, en bout de course, la faillite. Le problème n’est donc pas la dette, mais la capacité de l’endetté à la rembourser, c’est-à-dire à la rendre supportable.
Dans ce cadre, compte tenu des niveaux des prix immobiliers hexagonaux qui ont continué de flamber, malgré la faiblesse des revenus, mais aussi de l’explosion de l’endettement des ménages français (à plus de 100 % de leur revenu disponible, un record historique), un dégonflement de la bulle immobilière française est inévitable. Une dernière question s’impose alors en guise de conclusion :
5. De combien les prix de l’immobilier français peuvent-ils baisser ?
Une simple reconnexion entre ces derniers et le revenu des ménages justifierait une baisse d’environ 20 %. Il s’agit évidemment là d’un recul théorique, qui dépendra finalement de l’évolution des taux d’intérêt des obligations d’Etat et des crédits au sens large. Si ceux-ci continuent d’augmenter comme ils le font depuis quelques semaines, ce qui, selon moi, est très probable, alors, oui, la baisse des prix immobiliers sera au rendez-vous.
Une baisse qui pourrait d’ailleurs s’avérer salutaire dans la mesure où elle permettra de resolvabiliser la demande et de permettre à de nombreux Français de se porter acquéreurs de leur logement. A tout chose, malheur est bon…
Marc Touati, économiste, président du cabinet ACDEFI
Son nouveau livre RESET – Quel nouveau monde pour demain ? est en tête des ventes des essais économiques depuis sa sortie le 2 septembre 2020
Retrouvez toutes ses vidéos sur sa chaîne YouTube. Dont la dernière, « Dégonflement de la bulle de l’immobilier, de la Chine à la France »