, Felwine Sarr, Khalil Diallo seraient-ils des hirondelles qui n’annoncent guère un printemps littéraire des écrivains sénégalais au plan international ?
Certains auteurs sénégalais ont le vent en poupe actuellement sur le plan international. Pour le critique littéraire et fondateur de la maison d’édition «Nuit et Jour», Waly Ba, on est en face d’un nouveau contexte intéressant. Toutefois, il estime qu’il ne serait pas judicieux de parler de renouveau.
Mbougar Sarr, Felwine Sarr, Khalil Diallo seraient-ils des hirondelles qui n’annoncent guère un printemps littéraire des écrivains sénégalais au plan international ? La réponse est affirmative, si l’on se fie aux propos du critique littéraire Waly Ba. Malgré l’avènement de ces grands auteurs dont certains commencent à avoir une reconnaissance mondiale, le professeur de français ne trouve pas convenable de parler de renouveau de la littérature sénégalaise. «Mouhamed Mbougar Sarr a été nominé pour le Goncourt, ce qui est très exceptionnel parce que les Sénégalais n’ont pas été très favorisés dans ces grands prix.
Dans les années 80, Aminata Sow Fall avait été nominée avec son roman «La Grève des Bàttu». Boris Diop, quant à lui, est un auteur confirmé qui a un vécu en matière de création. Sur le plan de la représentativité, du point de vue de la production, du point de vue de la pertinence des idées qu’il met en œuvre, il n’a plus rien à prouver. Mais cela ne peut être considéré comme un élément clef pour lire la nouvelle littérature sénégalaise comme étant l’expression d’un renouveau », affirme l’écrivain avant de renchérir : «C’est vrai qu’on produit beaucoup au Sénégal. Il y a une quantité d’ouvrages que l’on produit, notamment grâce à la maison d’édition «L’Harmattan» qui fait de gros efforts et qui publie beaucoup d’auteurs, de poètes, d’essayistes, de romanciers qui étaient presque désespérés. Mais quand on parle de renouveau, il faudrait qu’on réfléchisse sur le sens des mots. Parler de renouveau, c’est considérer qu’il y a non seulement de la quantité, mais aussi de la qualité. La littérature sénégalaise vit, mais il serait inapproprié de parler de renouveau».
Reconnaissant que les gens publient actuellement, il estime toutefois que des doutes persistent sur la qualité de ce qui est produit. A l’en croire, beaucoup d’auteurs sortent des livres, mais ils restent anonymes. «La littérature n’est pas simplement le fait de sortir un livre et d’avoir le plaisir de caresser une couverture avec des images. C’est beaucoup plus profond. Ce sont des idées que l’on organise, que l’on essaie de défendre de façon imagée. C’est cela la littérature. Il faut viser grand et aller au-delà de ses limites. Faire des œuvres qui soient achevées du point vue stylistique. Et je ne suis pas convaincu que dans l’état actuel des choses, c’est ce qui se passe », souligne Pr Ba. Il pense toutefois qu’il existe des auteurs qui font de gros efforts pour bien écrire comme Moustapha Diop, Ameth Guissé, l’auteur de «Une Mort Magnifique». Il cite aussi Abdourahmane Ngaidé qui, selon lui, fait aussi de gros efforts pour écrire des textes de qualité. «On ne voit pas d’auteurs porteurs de projets qui puissent créer des révolutions mentales»
Pour lui, ces auteurs sont capables de faire bouger les lignes. «Il y a quand même du bon. La littérature sénégalaise vit, mais ce n’est pas une raison pour dire qu’il y a un renouveau. On ne voit pas d’auteurs porteurs de projets fermes qui puissent créer des révolutions mentales. Les gens écrivent par instinct, par émotivité et la plupart des œuvres tombent dans l’anonymat», se désole l’enseignant.
Dans le même sillage, Pr Waly Ba trouve qu’il n’y a pas de critique littéraire pour accompagner cette production. «Aujourd’hui, il sort une quantité de romans et de recueils par mois au Sénégal, mais qui en parle ? Même au niveau de la presse, quand on amène un ouvrage, il n’y a personne pour le lire, parce que les gens ne sont pas armés pour pouvoir le faire. Même s’ils sont armés, ils n’ont pas le temps. Ils sont emballés par la frénésie du commentaire politique. Il n’y a pas de voix autorisées pour commenter ce qui sort. Et si on parle de renouveau, on doit prendre en compte tout cela, tranche-t-il.
Disséquant toujours le paysage littéraire sénégalais avec, l’éditeur déclare : «Il y a deux Sénégal sur le plan littéraire. Il y a le Sénégal des hommes de lettres anonymes, ayant un talent moyen et qui se débrouillent pour sortir des livres. Il y un autre Sénégal littéraire, c’est le Sénégal d’une littérature portée par des gens de grands talents, mais ils ne sont pas nombreux. C’est par exemple Sokhna Benga, Ken Bugul, Rahmata Seck Samb. Il y a Mbougar Sarr qui est vraiment la révélation de ces dix dernières années. Il y a aussi Felwine Sarr qui est très pointu et un auteur de grande dimension. Ces auteurs essaient de représenter le Sénégal au-delà de ses frontières». Il explique dans la foulée qu’une littérature, pour pouvoir enclencher son renouveau, doit être portée par des voix autorisées et des talents purs. «Or aujourd’hui, on ne peut pas citer une vingtaine d’auteurs qui ont cette dimension. Il y a trop d’anarchie et de dispersion dans les productions. Tout ceci n’est pas de nature à nous conforter dans la thèse selon laquelle la littérature sénégalaise est en train de vivre», clame le critique littéraire.