Citation du jour: Mohamed Mbougar SARR,
prix Goncourt 2021
2021 auteur du livre La plus secrète mémoire des hommes « Quelle est donc cette patrie ? Tu la connais : c’est évidemment la patrie des livres : les livres lus et aimés, les livres lus et honnis, les livres qu’on rêve d’écrire, les livres insignifiants qu’on a oubliés et dont on ne sait même plus si on les a ouverts un jour, les livres qu’on prétend avoir lus, les livres qu’on ne lira jamais mais dont on ne se séparerait non plus pour rien au monde, les livres qui attendent leur heure dans une nuit patiente, avant le crépuscule éblouissant des lectures de l’aube. Oui, disais-je, oui : je serai citoyenne de cette patrie là, je ferai allégeance à ce royaume, le royaume de la bibliothèque. […]
Mais j’ai l’impression que chaque phrase, chaque mot frappent à côté de ce que je désire te dire. Je m’acharne et exige autre chose : plus de profondeur, de précision, de justesse. Les mots m’esquivent, ou s’esquivent : ils se dérobent à leur propre vérité. Ils fatiguent, s’affadissent dans la répétition de ma tyrannie. Chaque nouvelle tentative creuse un peu l’écart entre leurs possibilités réelles et la réalité de l’expérience intérieure. Mais ce n’est pas tant moi qu’eux-mêmes que les mots trahissent. Les mots se suicident. »