Le garde des Sceaux a obtenu, mardi, qu’une décision en appel de la CJR, relative à une audition du procureur général François Molins, soit annulée.
Source AFP
Éric Dupond-Moretti ne peut pas encore crier victoire, mais il remporte une première bataille. Le ministre de la Justice est poursuivi pour « prise illégale d’intérêt » dans une affaire impliquant le Parquet national financier (PNF). Mardi 21 décembre, il a obtenu qu’une décision en appel de la Cour de justice de la République (CJR), qui rejetait une audition de François Molins, soit annulée par un arrêt de la Cour de cassation. Le garde des Sceaux contestait le refus des magistrats de la commission d’instruction de la CJR d’auditionner le procureur général.
Cette décision, prise le 17 août, avait été confirmée en appel par ces mêmes juges le 16 septembre. Mais, pour des raisons de procédure, « le ministre de la Justice ne pouvait pas former appel de la première décision » de la CJR, « il aurait dû former un pourvoi en cassation », est-il expliqué dans un communiqué de la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire. Éric Dupond-Moretti peut désormais saisir la Cour de cassation pour contester « la première décision rendue le 17 août », est-il ajouté.
Un camouflet pour la CJR, selon l’avocat du ministre
La Cour peut choisir d’examiner prochainement son recours ou bien à la fin de la procédure, comme elle l’a fait pour un autre pourvoi du ministre concernant, notamment, l’annulation de sa mise en examen. « C’est une première victoire judiciaire pour Éric Dupond-Moretti et un véritable camouflet pour la CJR », a réagi son avocat Me Patrice Spinosi. « La CJR a commis une grossière erreur juridique. La Cour de cassation le lui rappelle en censurant sa décision », raille Me Spinosi.
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Lors de l’audience le 10 décembre devant l’assemblée plénière, formation la plus solennelle de la Cour de cassation, Me Spinosi avait étrillé la procédure de la CJR qui « dysfonctionne ». « S’il est odieux qu’un homme politique bénéficie d’un traitement judiciaire de faveur, il est tout aussi inacceptable qu’à l’inverse, il ait moins de droits qu’un autre justiciable », a estimé mardi Me Spinosi. « Après ce ménage procédural », Éric Dupond-Moretti entend obtenir de la Cour de cassation l’audition de François Molins, dont le témoignage est considéré comme essentiel « pour la manifestation de la vérité » dans les poursuites pour « prise illégale d’intérêt » qui le vise.
Le garde des Sceaux soupçonné d’avoir voulu régler ses comptes avec le PNF
La défense du ministre s’appuie sur un appel téléphonique, mi-septembre 2020, de Véronique Malbec, directrice de cabinet de Éric Dupond-Moretti, à François Molins, également président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Cet appel portait sur les suites à donner à un premier rapport de l’Inspection générale de la justice (IGJ) sur le fonctionnement du Parquet national financier (PNF). Lors de cette conversation, le procureur général a informé Véronique Malbec que la saisine de l’IGJ semblait plus adéquate que le CSM, aucune faute disciplinaire des magistrats n’ayant été relevée.
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Il s’agissait d’un « rappel procédural de principe » et non d’un conseil, a expliqué François Molins dans un courrier à la CJR. Mis en examen le 16 juillet, Éric Dupond-Moretti est notamment soupçonné d’avoir profité de sa fonction pour régler ses comptes avec trois magistrats du PNF en ordonnant une enquête administrative, menée par l’IGJ, à leur encontre en septembre 2020. Ces magistrats avaient fait éplucher les factures téléphoniques détaillées (« fadettes ») d’Éric Dupond-Moretti, qui était encore avocat, dans une enquête autour de Nicolas Sarkozy. Le garde des Sceaux n’a fait que « suivre les recommandations » de son administration, se défend-il. La CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l’exercice de leurs fonctions.