L’URBANISATION DAKAROISE PASSÉE AU CRIBLE

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Planification territoriale, transport public, assainissement, logement – Comment rendre la capitale sénégalaise vivable et respectueuse des normes d’urbanisation ?

Seydina Bilal DIALLO  |   Publication 28/03/2022

«Les défis de l’urbanisation à Dakar : Planification territoriale, assainissement, transport public et logement social.» Tel est l’intitulé de l’étude menée par La Fondation Friedrich Ebert en collaboration avec le Directeur de l’Institut Africain de Gestion Urbaine (Iagu), Docteur Oumar Cissé. Ce support a été produit pour une meilleure compréhension de la problématique; en proposant également les contours d’une urbanisation durable et équitable qui prend en considération les différentes couches de la société.

Comment rendre la capitale sénégalaise vivable et respectueuse des normes d’urbanisation ? C’est à cette question que Dr Oumar Cissé a essayé de répondre. Le chercheur en environnement urbain et Directeur de l’Institut Africain de Gestion Urbaine (Iagu) a également livré de bonnes pistes de solutions aux autorités publiques. Monsieur Cissé est parti du postulat selon lequel la région de Dakar est marquée par une urbanisation mal contrôlée avec la prolifération de quartiers dits « spontanés ».

A l’en croire, cette réalité est due aux insuffisances du système actuel de planification urbaine qui entrainent un manque de maîtrise de l’espace urbain, une dégradation du cadre vie et une vulnérabilité sociale de nombreuses catégories de populations. Il admet cependant que les gouvernements du Sénégal se sont efforcés, au fil des années, de contrôler la croissance urbaine de Dakar en élaborant des Plans Directeurs d’Urbanisme (Pdu) sans beaucoup de succès. « Les plans soumis à de longues consultations ont tous souffert de l’absence d’un dispositif explicite de suivi-évaluation.

Peu connus du grand public, les différents Plans Directeurs d’Urbanisme sont souvent rédigés sans la participation de groupes importants, comme les artisans, les commerçants locaux ou les jeunes », constate-t-on dans l’étude parvenue à «L’As» et réalisée par Dr Oumar Cissé. Il déplore dans la foulée les insuffisances liées à la participation des collectivités territoriales dans l’élaboration de ces Pdu. Ce qui, selon lui, provient de l’insuffisance des ressources techniques dédiées à l’urbanisme dans les mairies et départements et la faible considération dont elles sont victimes de la part des ministères chargés de l’élaboration des plans à leur endroit. «Les collectivités territoriales devront être des co-responsables du processus d’élaboration du plan d’urbanisme. Au même titre que pour les agents de la Dua, les capacités des professionnels municipaux en planification urbaine devront être renforcées », préconise l’étude.

LES TITRES IRREGULIERS FONT LÉGION DANS CERTAINES ZONES

L’étude indique aussi que le département de Rufisque, qui dispose des plus grandes réserves foncières et accueille la plus forte poussée urbaine de la région, doit urgemment faire l’objet d’un Pdu. Ainsi, il souligne que l’extension urbaine de la région de Dakar se déroule à Pikine (Keur Massar en particulier) mais surtout à Rufisque où les communes de Bambilor, Diamniadio, Tivaouane Peulh – Niaga, entre autres, font face à une forte poussée urbaine. Prenant l’exemple du quartier de Bambilor extension 3, créé à partir de la transformation des champs des cultivateurs en parcelles d’habitation, il est noté qu’aucun des lotissements étudiés à Bambilor extension 3 n’a fait l’objet d’autorisation de lotir délivrée le ministre en charge de l’urbanisme. Pis, dit-il, les détenteurs de parcelles d’habitation ne disposent que de délibérations du conseil municipal ou des décisions d’affectation signées par le Maire. «Ces actes délivrés par la commune sont irréguliers, car les affectations des terres du domaine national concernent des terres de cultures et de défrichements. Il est donc compréhensible que les acquéreurs de parcelles dans ces types de lotissements éprouvent des difficultés pour muter la décision d’affectation en leur nom», lit-on dans le document réalisé en collaboration avec la Fondation Friedrich Ebert.

LES FACTEURS BLOQUANTS DU SYSTÈME DE TRANSPORT PUBLIC

En ce qui concerne le secteur du transport public, souligne le rapport, certains déséquilibres sont enregistrés, notamment la non prise en compte dans les planifications des besoins des populations qui utilisent la marche à pied comme mode de déplacement. En effet, l’étude révèle que 70% de la population de Dakar se déplace par la marche. Malgré cela, se désole-t-il, les piétons sont confrontés à l’absence, à l’encombrement ou au mauvais état des trottoirs, au manque d’éclairage pendant la nuit, aux inondations en saison des pluies, aux mauvaises odeurs , aux risques d’accidents etc. Pour les usagers de la route et des moyens de circulation, l’étude fait état du défaut d’éclairage public et de routes carrossables, d’une insuffisance des moyens de transports en commun, d’une occupation anarchique des trottoirs, entre autres faits qui rendent complexe le transport public. Au même moment, constate-t-on toujours dans le document, les grands projets d’infrastructure dans le domaine du transport public (BRT, TER) risquent de ne pas être à portée de bourse des couches les plus vulnérables.

ASSAINISSEMENT : LA MISE EN ŒUVRE DU PDA 2025 A DÉMARRÉ TIMIDEMENT A PIKINE

En outre, le rapport produit par le chercheur en environnement urbain, Dr Oumar Cissé, a pris en compte le système d’assainissement des eaux usées retenu par l’Office National de l’Assainissement du Sénégal (Onas). Il s’agit ainsi, note-t-on, du réseau d’assainissement collectif classique élaboré dans le cadre de l’actualisation du plan directeur de l’assainissement liquide Dakar 2025 pour une grande partie de Guédiawaye et Pikine (Zone EST dans le Pda). L’étude révèle que la mise en œuvre du PDA 2025 a démarré timidement à Pikine en 2019. D’après le document, le réseau d’assainissement collectif classique retenu pour la zone de Pikine-Guédiawaye est confronté à des contraintes majeures qui sont un relief peu marqué et constitué d’une succession de petites dépressions, une présence de la nappe à une profondeur souvent inférieure à 2m et un urbanisme majoritairement spontané ou de type villageois, qui vont entrainer des surcoûts considérables. Pour assurer la mise en œuvre du Pda, souligne-t-il, le Projet de gestion des eaux pluviales et d’adaptation au changement climatique (Progep) a été réalisé. Cependant, regrette-t-il, les ouvrages de drainage réalisés dans le cadre du Progep sont exposés à l’obstruction par les déchets, l’ensablement, l’accumulation de sédiments charriés qui favorisent l’installation de plantes aquatiques, la dégradation des talus de protection des bassins contre l’érosion. A cet effet, renseigne-t-il, un dispositif de maintenance efficace et régulière impliquant les collectivités territoriales et les communautés doit être mis en place.

L’HABITAT INFORMEL REPRÉSENTE 35% DES SUPERFICIES HABITÉES

Quant au secteur du logement, l’étude révèle que l’habitat informel occupe dans la région de Dakar 35% des superficies habitées. En 2013, le déficit en logements a été estimé à 322.000 unités sur tout le territoire national dont 158.000 à Dakar. «Le Plan Sénégal Emergent avait prévu de construire 10.000 à 15.000 logements sociaux par an entre 2014 et 2018. Mais au final, moins de 10.000 logements sociaux ont été construits dans cette période», révèle le rapport qui ajoute que l’accès aux logements des travailleurs du secteur informel et la prise en compte de l’auto-construction sont des questions qui restent en suspens sur le projet « 100 000 logements.

RECOMMANDATIONS POUR UN DÉVELOPPEMENT URBAIN INCLUSIF ET EQUITABLE

Pour un développement urbain inclusif et équitable de Dakar, l’étude recommande une batterie de mesures parmi lesquelles une planification territoriale utile mettant en œuvre des stratégies en phase avec la vocation des territoires, les besoins et les aspirations des communautés. Elle appelle également à la prise en compte des besoins de la population dans la conception des infrastructures de transport et l’amélioration de la qualité de leurs déplacements de la banlieue de Dakar à travers une urbanisation plus régulière. Elle n’a pas manqué de préconiser le développement d’un système d’assainissement fonctionnel pour protéger la nappe phréatique. Toujours dans les recommandations, l’Etat du Sénégal est invité à veiller à la promotion des logements sociaux accessibles aux employé(e)s du secteur informel et à d’autres couches vulnérables; l’exécution en conformité avec les plans d’urbanisme de la mise en œuvre de lotissements à usage d’habitation ; et la prise en compte dans les nouvelles villes des besoins spécifiques des populations autochtones pour plus de cohésion territoriale et d’équité sociale.

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