Des intellectuels sénégalais, réunis autour d’un panel sur le thème « La France et nous », tenu au WARC, ont donné des pistes de solution afin de pousser les gouvernants à revoir la manière dont ils traitent avec l’ancien colonisateur
Des intellectuels sénégalais, réunis autour d’un panel sur le thème « La France et nous », tenu au WARC, ont donné des pistes de solution afin de pousser les gouvernants à revoir la manière dont ils traitent avec l’ancien colonisateur
Pour l’historienne Penda Mbow, initiatrice du panel sur le thème « La France et nous », il ne s’agit pas seulement d’effacer le passé colonial mais de redéfinir les relations entre la France et les autres pays africains francophones. « Il s’agit de mobiliser jusqu’à saturation les esprits sur le continent africain ainsi que ceux de la diaspora, en cessant de parler ou de faire référence au passé. Il faut changer et différencier les acteurs et les interlocuteurs », a dit l’universitaire. Elle cite la venue de Nicolas Sarkozy au Sénégal, en 2007, au cours de laquelle l’ancien président français avait tenu un discours devant des étudiants de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar.
Pour Penda Mbow, ce changement d’interlocuteurs et d’acteurs s’est accentué avec la visite d’Emmanuel Macron à Ouagadougou où l’actuel président français a fait face à des jeunes qui l’ont interpellé sur diverses questions portant sur la Françafrique. Elle rappelle également l’invitation faite par ce dernier à la jeunesse africaine à Montpellier. Ce qui lui fait dire que l’activisme mémoriel tend à réformer des relations qui s’effectuent exclusivement avec la jeunesse. Pour elle, on ne peut pas se satisfaire d’un exorcisme émotionnel. « La relation ne doit pas seulement être celle d’un dialogue normal. Il faut qu’on pense à tracer notre chemin, réagir à tous les actes posés par la France et montrer les conditions dans lesquelles nous voulons redéfinir nos relations », a-t-elle lancé. Pour sa part, le Professeur Youssou Mbargane Guissé a soutenu que, dans la relation entre notre pays et la France, c’est l’Etat-Nation qui continue de s’arcbouter sur lui-même et sur des actions politiques qui, manifestement, ne correspondent plus à l’évolution historique et aux besoins vitaux nouveaux des citoyens et de la jeunesse.
Transition, renouveau, renaissance, émergence de nouveaux partenaires
« La confiscation de la souveraineté dont l’Etat-Nation est l’expression politique détériorée engendre une perte de légitimité du pouvoir et de la confiance à l’endroit des dirigeants africains », a dit le Pr Guissé. Cela, dit-il, met les pays en danger dans un contexte sous régional marqué par l’insécurité du fait de l’extrémisme djihadiste, de la crise sanitaire et actuellement, au plan mondial, de la guerre en Ukraine. Guissé pense que nous sommes dans une transition historique qui tend vers un relâchement des civilisations africaines. Il souligne qu’il y a un enjeu pour l’Afrique de passer à un réajustement rationnel de ses civilisations plurimillénaires afin de créer une renaissance prodigieuse. Et cela implique la participation, en plus des intellectuels, des artistes, des ingénieurs, des techniciens et des inventeurs. Selon lui, cette nouvelle catégorie d’intellectuels élargie doit maintenant entrer en jeu pour réfléchir sur la grande transition à laquelle aspire le continent africain. « Cette grande transition pour la renaissance et le renouveau va de pair avec la déconstruction et le dépérissement forcé de l’organisation coloniale caduque et d’une identité surannée des Etats-Nations actuels en Afrique », a expliqué Youssou Mbergane Guissé.
Quant au Professeur Rokhaya Fall, modératrice du panel, elle a insisté sur le changement du contexte international. Ce qui lui fait dire que les relations entre la France et ses ex-colonies doivent aussi changer. « Il y a de nouveaux partenaires qui ont émergé et qui donnent l’opportunité à l’Afrique d’être plus valorisée », a soutenu le professeur Fall.