Omar Pène, le retour de la légende vivante du mbalax

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Omar Pene © Malick MBOW

À la tête du Super Diamono, dont l’immense succès populaire au Sénégal depuis les années 1970 s’explique par sa dimension sociétale, le chanteur Omar Pène a contribué à la transformation de la scène musicale sénégalaise à travers plus d’une trentaine d’albums.

Biographie

Omar Pène nait le 28 décembre 1955 au Sénégal, à Dakar, ville qui est alors la capitale de l’Afrique occidentale française regroupant les colonies d’Afrique de l’Ouest. Élevé d’abord par sa famille maternelle dans le quartier de Pikine, selon les principes de la confrérie musulmane des Mourides, il est ensuite envoyé chez son père, employé à l’université et résidant dans le quartier de Dieuppeul. L’ambiance familiale pesante, en raison de sa mésentente avec sa belle-mère, le conduit à abandonner le domicile alors qu’il a à peine 13 ans, et à mettre un terme à son parcours scolaire avant même d’obtenir le certificat d’études primaires.

Pendant quelques années, il mène une existence dans la plus grande précarité. Hébergé parfois ici ou là, contraint de se débrouiller principalement seul et de passer l’essentiel du temps dans la rue, il se prend de passion pour le football et caresse même le rêve de faire de ce sport son gagne-pain.

C’est dans ce contexte, en 1972, que le musicien Baïlo Diagne le surprend à chanter et l’incite à se rendre à une audition, car le Kadd Orchestra dont il est membre cherche un chanteur. Omar accepte sans enthousiasme mais il est retenu et intègre donc le groupe, lequel fusionne en 1974 avec le Tropical Jazz pour donner naissance au Diamono, qui signifie « génération » en wolof. Deux ans et un album plus tard, l’ensemble est rebaptisé Super Diamono.

1977 : « Adama Ndyaye »

Après des débuts difficiles avec les autres musiciens et chanteurs, Omar trouve sa place et abandonne ses projets de footballeur. Auprès d’Adama Faye, clavier et guitariste, il s’initie aux instruments. Il devient aussi un des paroliers du groupe. En 1977, il s’illustre avec la chanson du 45 tours « Adama Ndyaye », titre qui deviendra l’un de ses surnoms.

Pendant deux ans, les membres du Super Diamono séjournent en Casamance et en Gambie, et s’intéressent aux rythmes traditionnels, pour les accommoder aux influences internationales de leur époque, du jazz au funk en passant par le reggae, et ainsi proposer une musique différente du style afro-cubain en vogue à Dakar. A cette occasion, ils rencontrent le chanteur Ismaël Lo qui rejoint leurs effectifs pour quelques années.

De plus en plus populaire auprès de la jeunesse sénégalaise à partir du début des années 1980, le Super Diamono passe pour « l’orchestre des voyous » en raison du look, du comportement et des idées aux tendances révoltées sinon révolutionnaires d’Omar et de ses acolytes. Leur registre « afrofeeling » s’oppose au mbalax pur et dur du grand groupe rival, le Super Etoile de Dakar dirigé par Youssou N’Dour. L’opposition entre les deux groupes, imaginée et entretenue par leur public respectif, fait figure de ligne de démarcation sur la scène musicale locale à cette époque.

Au diapason des préoccupations d’une partie de sa génération, le Super Diamono enchaîne les albums destinés au marché domestique et, à partir de « Mam » enregistré en live en 1984 dans un night-club parisien, se rend de plus en plus souvent dans les studios de la capitale française pour y concevoir ses disques. La chanson « Soweto », parue en 1987 sur l’album « People », permet au groupe de se faire connaître au-delà de la communauté sénégalaise, bien qu’il ne soit pas à la recherche d’une carrière internationale.

1988 : « Cheikh Anta Diop »

En 1988, sur l’album « Cheikh Anta Diop », du nom du célèbre anthropologue et historien sénégalais, Omar Pène rappelle son intérêt pour le football, avec la chanson « Jaraaf » qui évoque un des deux clubs de Dakar les plus titrés – l’autre, l’ASC Jeanne D’Arc, ayant déjà été chanté sur une cassette éponyme quelques années plus tôt.

Créée en 1989, l’Amicale des fans du Super Diamono (Afsud) devient sur le terrain le relai du groupe, en particulier pour mener des actions sociales. Comptant jusqu’à plusieurs dizaines de milliers de personnes, elle reflète aussi l’engouement suscité par le groupe d’Omar Pène. Sa chanson « Étudiant » en 1992 renforce son image de « chanteur des étudiants », un statut qu’il accepte volontiers, et qui lui est attribuée tant pour les idées qu’il véhicule que pour les liens réciproques avec la jeunesse étudiante. L’université Cheikh Anta Diop accueille régulièrement des concerts du groupe.

Au sein du Super Diamono, dont les effectifs se sont renouvelés régulièrement au fil du temps, il tient sans ambiguïté le rôle principal comme l’officialisent les albums commercialisés à partir de cette époque sous le nom « Omar Pene et le Super Diamono ». Pour l’album « Fari », en 1993, il confie la direction musicale et les arrangements au Malien Boncana Maïga, référence de la musique ouest-africaine.

1996 : « Euleuk Sibir » avec Youssou N’Dour

À son initiative, un rapprochement musical inattendu est opéré avec Youssou N’Dour en 1996 sur le disque « Euleuk Sibir », qui marque les esprits. Les deux stars se partagent le micro et sont accompagnées par une formation constituée pour l’occasion réunissant une partie de leurs musiciens. Cette association révèle les liens d’amitié et de respect qui unissent en réalité les deux chanteurs, loin de la rivalité supposée qu’ils entretiendraient.

L’invitation à venir se produire cette même année en Grande-Bretagne au Womad, festival des musiques du monde lancé par Peter Gabriel, se prolonge en 1997 par l’album « Direct From Dakar », soutenu par le label Real World du musicien britannique, qui travaille de longue date avec Youssou N’Dour. Sans se priver d’une nouvelle opportunité sur le circuit international, Omar Pène continue de se focaliser sur sa carrière au Sénégal, même s’il lui arrive de jouer dans d’autres pays d’Afrique où ses compatriotes sont présents : Mauritanie, Guinée, Mali… Il est d’ailleurs récompensé aux Kora Awards en 1998 à Johannesburg.

D’autres propositions pour jouer à l’étranger suivent l’album « 25 ans », qui célèbre l’anniversaire du Super Diamono en 2001 : la formation se produit au Montréal Jazz Festival au Canada, au Rain Forest World Music festival en Malaisie… L’auteur de « Diadieuf », un titre destiné à remercier l’équipe nationale de football des Lions de la Téranga après son parcours au Mondial de 2002, vérifie une nouvelle fois sa popularité  lors des 30 ans du groupe en 2004 : près de 200 000 Sénégalais viennent assister aux concerts des 10 et 11 décembre à Dakar.

2006 : « Myamba »

Un tournant artistique majeur se produit en 2005 avec l’album « Myamba », pour lequel Omar Pène se désolidarise temporairement de sa formation emblématique. Sans claviers et sans cette section de cuivres qui faisaient sa couleur musicale depuis de nombreuses années, il reprend certaines de ses anciennes chansons dans un style acoustique. La formule lui permet d’être programmé dans divers festivals en France, en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Suisse. Il représente également le Sénégal lors de la première édition du Festival des pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) en République dominicaine.

Parallèlement, il retravaille avec le Super Diamono pour ne pas se couper de son public historique et l’alimente avec un répertoire auquel il est plus habitué, tout en s’adaptant à son époque. C’est ainsi qu’il invite son compatriote rappeur Didier Awadi sur l’album « Moom Tamit » en 2007.

À son tour, il est sollicité en 2009 par un autre représentant de la scène urbaine sénégalaise, Duggy Tee (ancien acolyte d’Awadi au sein de Positive Black Soul), pour participer à son disque « Fit ». Cette même année, il approfondit l’option acoustique sur « Ndam » qu’il présente en live en France au Festival du bout du monde ainsi qu’à Africolor et aux Nuits du Sud. Il joue aussi en 2010 aux États-Unis dans le cadre du Celebrate Brooklyn African Festival à New York et lors de la troisième édition du Festival mondial des arts nègres (Fesman) à Dakar. En 2011, il récidive dans le même créneau avec « Ndayaan », qui lui permet à nouveau de fréquenter les scènes internationales : France, Allemagne, Grande-Bretagne et Italie.

Peu après la nomination de Youssou N’Dour à la tête du ministère de la culture en 2012, Omar Pène accepte la proposition de son ami chanteur de le suivre pour être l’un de ses conseillers. En mai 2013, l’album « 40 ans de musique » qu’il enregistre voit la participation du guitariste franco-sénégalais Hervé Samb avec lequel le chanteur collabore activement à cette période durant laquelle il est amené à séjourner en France en raison de problèmes de santé.

Pour son grand retour sur scène à Dakar, au Grand Théâtre, en août 2014, Youssou N’Dour est à ses côtés tout comme Thione Seck une autre figure de la musique locale. Son parcours, souvent cité en modèle, est raconté en 2016 dans l’ouvrage « Omar Pène, un destin en musique » écrit par l’universitaire Babacar Mbaye Diop.

Nommé ambassadeur de bonne volonté auprès des étudiants par le chef de l’État, lors de la crise qui touche les universités au Sénégal en 2018, « Baye Pène » (« Père Pène ») s’investit dans son rôle de médiateur tout en rodant les nouveaux effectifs d’un Super Diamono « quatrième génération » avec lequel il enregistre en 2019 un nouvel live intitulé « 4G » sur lequel certains de ses classiques sont revisités. Dans le même temps, à travers sa chanson « Ndaanane » et le clip qui l’accompagne, le rappeur Didier Awadi rend un hommage solennel à celui qui est aujourd’hui un monument de la musique sénégalaise.

La Rédaction


 

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