Une mission d’information marocaine a conclu mercredi à la mort « par asphyxie » des migrants africains qui ont péri dans des « bousculades » lors d’une tentative d’entrée dans l’enclave espagnole de Melilla (nord du Maroc) fin juin, mettant hors de cause les forces de l’ordre.
« 23 migrants sont morts à la suite de la tentative de passage vers Melilla », a confirmé Amina Bouayach, présidente du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH), un organisme officiel chargé d’enquêter sur les lieux après le drame.
Un total de 217 personnes ont été blessées, 77 migrants et 140 policiers. Des humanitaires espagnols ont fait état d’un bilan plus élevé de 37 morts.
« Aucun corps n’a été enterré et il a été décidé d’effectuer des autopsies pour déterminer les circonstances des décès », a déclaré Mme Bouayach lors d’une conférence de presse à Rabat pour présenter les conclusions préliminaires de la « mission d’information » confiée au CNDH.
Après l’examen des cadavres, le docteur Adil el-Sehimi, qui a pris part à cette mission, a dit privilégier la piste de l' »asphyxie mécanique » comme cause des décès, tout en préconisant d’attendre les résultats des autopsies qui sont « toujours en cours ».
Dans son rapport préliminaire, le CNDH a décrit le mode opératoire de cet « assaut d’une singularité inédite » quand environ 2.000 migrants en situation irrégulière ont tenté de forcer le passage à la frontière avec l’enclave espagnole de Melilla, à partir de la ville marocaine limitrophe de Nador, le 24 juin.
« Munis de bâtons et de pierres, les migrants, en majorité des Soudanais et venus en grand nombre, se sont séparés en deux groupes: le premier a pris d’assaut un poste frontière fermé depuis 2018 et le deuxième a escaladé les murs surmontés de barbelés avoisinants », selon le CNDH.
C’est au niveau de la zone tampon — équipée de tourniquets manuels permettant le passage d’une seule personne à la fois — du poste-frontière que le drame a eu lieu, précise-t-il.
« Un nombre important de migrants se sont retrouvés entassés dans cette zone étroite, ce qui a engendré des bousculades entraînant la suffocation des migrants », explique le Conseil, qui regrette que le poste-frontière soit resté fermé côté espagnol.
– Heurts violents –
Quant à « l’usage excessif » de la force par la police, dénoncé par l’ONU, l’Union africaine (UA) et des ONG, le CNDH argue que la répression faisait suite « au danger du nombre important de migrants armés de bâtons et pierres ». « Les forces de l’ordre n’ont utilisé aucune arme à feu », assure-t-il.
Confrontées à des vidéos devenues virales sur les réseaux sociaux et montrant des migrants frappés par terre par des agents marocains, les autorités locales ont affirmé au CNDH qu’il s’agissait de « cas isolés ».
La tragédie du 24 juin a été précédée d’une série de violents affrontements la semaine précédente au cours d’opérations de ratissage des forces sécuritaires visant des campements de fortune près de Nador.
Ces heurts ont fait des dizaines de blessés dans les rangs des policiers, selon les autorités locales.
Parallèlement, s’est ouvert mercredi à Nador le procès d’un groupe de 29 migrants, dont un mineur, poursuivis pour « entrée illégale sur le sol marocain », « violence contre agents de la force publique » mais aussi « participation à une bande criminelle en vue d’organiser et faciliter l’immigration clandestine à l’étranger ».
« Au cours de l’audience, le parquet a présenté les certificats médicaux d’éléments des forces de l’ordre blessés lors des heurts. Le juge a décidé de les convoquer », a précisé à l’AFP Khalid Ameza, avocat des accusés.
Ce drame migratoire est le plus meurtrier jamais survenu lors des nombreuses tentatives de migrants subsahariens de pénétrer à Melilla et dans l’enclave espagnole voisine de Ceuta, qui constituent les seules frontières terrestres de l’UE avec le continent africain.