Il est des moments, dans la vie d’un individu, qui marquent. On ne pourra jamais les exprimer, on ne fera que les vivre. Être choisi parmi ses pairs pour intégrer un gouvernement est un immense honneur.
Si, à certains égards, l’on peut considérer que des critères objectifs ont motivé ce choix, en réalité, pour les hommes que nous sommes et qui n’avons aucune maîtrise de notre destinée, c’est une grâce d’être choisi parmi les Sénégalais pour servir les Sénégalais.
En effet, ce n’est ni notre compétence présumée, ni notre parcours politique, encore moins notre mérite personnel qui, il y a exactement trois ans et 5 mois, nous avait valu d’être nommé aux fonctions de Secrétaire d’État chargé des Sénégalais de l’Extérieur. Bien au contraire, la seule et unique confiance du Chef de l’État nous avait permis de servir les Sénégalais, notamment ceux résidant à l’Étranger et qui méritent une attention toute particulière.
C’est pourquoi, au moment où je passe le témoin à ma chère grande sœur Annette, je me considère en fin de mission. Nous ne sommes point intemporels. Toute chose a une fin. Et c’est simplement de cela qu’il s’agit.
J’ai un profond sentiment de reconnaissance envers le Chef de l’État, Son Excellence Macky SALL, qui, rappelons-le, déjà en 2007, m’avait successivement nommé Conseiller technique à la Primature et Chef de la Division de la Formation à l’Assemblée Nationale et en 2013 au poste de Chef du Service de Gestion des Étudiants à l’Étranger (SGEE) avant de me nommer, en 2019, et de me confirmer, en 2020, dans mes fonctions de Secrétaire d’État, auprès du Ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur, chargé des Sénégalais de l’Extérieur.
J’ai eu, grâce à lui, la chance d’intégrer une administration ô combien prestigieuse, où la tenue et la retenue sont des règles inscrites dans le marbre, où le silence est réellement d’or, le sens de l’observation et de l’écoute mène au succès, mais aussi, et surtout où l’on apprend à danser sur des œufs sans les casser.
J’ai appris qu’au Ministère des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur, il faut un savant dosage entre célérité et dextérité, tempérance et pondération, et surtout l’usage de la parole juste et au moment opportun. Quelle belle diplomatie nous avons !
Je suis fier et très fier même d’avoir pleinement appartenu à cette Maison. Et l’expérience que j’ai pu y acquérir constitue, pour moi, un trésor inestimable.
Ce parcours m’a permis de collaborer directement avec deux grandes personnes qui ont une haute connaissance de l’État, aux qualités humaines et professionnelles à nul autre égard ; dont l’un est l’actuel Premier Ministre, Monsieur Amadou BA, que je félicite, à nouveau, au passage et l’autre, Madame Aïssata TALL SALL, ici présente.
En toute sincérité et humilité, je pense devoir dire que j’ai appris à leurs côtés et beaucoup appris également de leurs excellents et dévoués collaborateurs que sont les diplomates de la portion centrale, au premier rang desquels l’Ambassadeur Secrétaire général, comme ceux du réseau, pour qui j’ai beaucoup de respect et de considération.
À ma famille et à mes amis, à mes vaillants membres du Cabinet, au personnel de la Direction générale et du FAISE, je vous dois une fière chandelle pour les énormes sacrifices consentis et la disponibilité sans cesse renouvelée.
Je pars donc avec sérénité et le sentiment du devoir accompli.
Mesdames et Messieurs,
Aussitôt arrivés dans ce Département, nous avons compris et mesuré l’ampleur et l’immensité de la tâche qui nous était dévolue.
J’ai coutume de dire que la matière est vaste et la cible — notre diaspora — complexe.
Elle est complexe en ce qu’elle se nourrit de réalités autres que celles qu’elle a laissées au Sénégal. Elle vit des expériences différentes et, à ce titre, aspire légitimement à un mieux-être.
C’est donc avec des moyens non extensibles, à souhait, qu’il nous a fallu répondre à la demande, parfois en investissant la vie intime de nos compatriotes. Car, traiter des Sénégalais de l’Extérieur, c’est essentiellement investir le domaine de l’humain. Il faut, pour ce faire, attention et compréhension pour sentir, percevoir et comprendre les besoins et aspirations de nos compatriotes. Être chargé des Sénégalais de l’Extérieur, c’est pouvoir faire leur plaidoyer auprès de la majorité de nos collègues au Sénégal et homologues à l’Étranger.
Compte tenu de ce qui précède, il nous a paru nécessaire, pour porter cette exaltante mission, de planifier notre démarche. C’est ainsi qu’a vu le jour le Plan d’Orientation Stratégique et d’Actions Opérationnelles (POSAO), validé lors de la 6ème Conférence des Ambassadeurs, Consuls généraux et Consuls du Sénégal.
Ce document s’articule autour de trois axes stratégiques que sont :
— l’amélioration de la qualité des services offerts à notre diaspora,
— la promotion de la contribution de la diaspora au développement du Sénégal,
— l’amélioration de l’Organisation des Sénégalais de l’Extérieur tout en opérant un recentrage sur la diaspora sénégalaise en Afrique.
Ces trois orientations ont inspiré des projets que nous avons conçus et encadrés sur instructions et commandes de Monsieur le Président de la République, Son Excellence Macky SALL.
S’agissant de l’amélioration de la qualité des services offerts, nous avons signé avec l’Université Gaston Berger de Saint-Louis une convention pour la conception et le développement, par le Centre de Calcul de cette Institution, d’une plateforme robuste interactive d’échange et de dématérialisation des procédures administratives et consulaires.
À terme, cet outil devrait permettre à l’autorité centrale ainsi qu’à nos missions diplomatiques et consulaires de mieux interagir avec nos compatriotes résidant à l’Étranger, mais aussi de passer d’une proximité géographique à une proximité organisée par la dématérialisation des procédures. À ce jour, 14 procédures administratives et consulaires ont pu être dématérialisées.
C’est également dans cette logique que nous nous sommes attelés à offrir à la plus Haute Autorité des éléments factuels pour une meilleure définition des politiques publiques en faveur de nos compatriotes résidant à l’Étranger. Vous conviendrez avec moi que des données fiables et précises permettent de mieux formuler nos politiques publiques, notamment quand il s’agit de notre diaspora.
Dès lors, sur instruction du Chef de l’État, à l’issue de l’Opération force Covid-19 Diaspora sur laquelle je reviendrai, nous avons entamé le recensement des Sénégalais de l’Extérieur, toujours en cours jusqu’au 17 novembre 2022.
Une méthodologie spécifique a été élaborée grâce à l’ANSD. Elle consistait, dans un premier temps, à procéder au croisement des fichiers des Sénégalais de l’Extérieur détenus par le Ministère de l’Intérieur. En l’occurrence étaient concernés le fichier des passeports avec la Direction de la Police des Étrangers et des Titres de Voyage (DPETV), le fichier des Cartes Nationales d’Identité grâce à la Direction de l’Automatisation du Fichier (DAF) et le fichier des électeurs de l’étranger localisés à la Direction générale des Élections (DGE). À ces fichiers, s’ajoutait celui de la Force covid-19 diaspora du Département.
Une seconde phase de collecte d’informations résultant des fichiers des immatriculations, des cartes consulaires, de fichiers détenus par certaines associations communautaires ou de ressortissants, s’est tenue du 21 juin au 5 juillet 2022, dans 23 pays représentatifs de notre diaspora.
Enfin, la troisième et dernière étape de collecte concerne le recensement dit « communautaire volontaire » (du 17 août 2022 au 17 novembre 2022) à travers la plateforme www.recensementdiaspora.sn
Ce projet a été renforcé par une belle collaboration avec la Commission des Nations Unies pour l’Afrique (CEA) qui a financé une étude sur la reconnaissance des compétences des migrants au Sénégal.
Dans le cadre de l’amélioration des statistiques de nos compatriotes, le décret 2021-1003 du 30 juillet 2021 remplaçant celui n° 61-394 MAE du 4 octobre 1961 incite nos compatriotes à s’immatriculer auprès des missions diplomatiques et consulaires.
Nous avons également eu à cœur de travailler, chaque année, avec nos missions diplomatiques et consulaires, à la mise à jour des statistiques de nos compatriotes incarcérés dans leur pays d’accueil.
Par ailleurs, en collaboration avec le Ministère de l’Intérieur, une réforme sur les passeports, dont la durée de validité passera de cinq (5) à dix (10) ans, a été proposée et validée. Les discussions y relatives avec le partenaire technique concerné sont conduites par le Ministère précité. Dans cette perspective, il est prévu une augmentation du nombre de centres de production qui passera de 8 à 16 et des valises mobiles qui évoluera de 8 à 23. S’y ajouteront cinq (5) centres satellites qui soulageront les centres de production.
En outre, notre pays a adhéré à la Convention Apostille qui exempte nos compatriotes résidant à l’Étranger de toute légalisation et authentification de leurs documents dans leur pays de résidence.
Dans le cadre de l’organisation de nos compatriotes, la priorité était accordée à la mise en place, dans chaque pays, de fédérations qui regroupent l’ensemble des organisations et autres associations. Une telle démarche, à poursuivre, nous permettrait ainsi qu’à notre réseau de réduire sensiblement le nombre d’interlocuteurs et de mieux assurer la remontée des préoccupations de notre diaspora.
Je note aussi, pour m’en réjouir, le travail effectué suite au Conseil présidentiel du 20 août 2020 sur le programme 100 000 logements, dont 20 % de ce quota ont été attribués à la diaspora.
Pour une meilleure coordination de la mise en œuvre de ce programme, les Cabinets des Secrétaires d’État chargés des Sénégalais de l’Extérieur et du Logement ont élaboré une Procédure Opératoire Normalisée reposant sur le principe de la primeur accordée aux coopératives pour identifier les bénéficiaires.
Une tournée conjointe dans la sous-région a contribué à vulgariser le programme et ses mécanismes.
Ainsi, la phase pilote a accordé trente et une (31) villas à nos compatriotes de l’Étranger, soit 20 % des premières villas livrées.
Toutefois, la question de la facilitation de l’accès au logement à notre diaspora étant une des prérogatives du Ministère des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur, nous avons signé, avec la Société d’Aménagement et de Gestion (SAGE), une convention pour l’érection de la Cité de la Diaspora. Par cet accord, la SAGE met à la disposition des coopératives des Sénégalais de l’Extérieur, sur le site de Bambilor :
– 270 villas de type F3, F4 et F5
– 1363 parcelles viabilisées, sécurisées par des titres fonciers et disposant de toutes les autorisations légales et réglementaires.
Deux-cent (200) villas ont déjà été attribuées et les premières clés remises, le 27 juillet 2022, par Monsieur le Président de la République, Son Excellence Macky SALL.
Sur un autre registre, et compte tenu des importantes requêtes de rapatriement formulées par nos compatriotes, nous avons signé, le 7 juin 2022, avec la MAPFRE Assistencia, représentée au Sénégal par Askia assurance, une convention de rapatriement des corps de nos compatriotes décédés à l’Étranger. Renouvelable chaque année, cet instrument juridique offre pour 15 743 F FCA par an et par personne ou 35 142 FCFA par an et par famille (2 adultes et 3 mineurs) la possibilité pour tous Sénégalais décédés et résidant à l’Étranger, de 0 à 80 ans, de se faire rapatrier aux frais de l’assurance jusqu’au lieu de l’inhumation.
La réussite de ce projet est, toutefois, arrimée à une grande campagne de sensibilisation de nos compatriotes de l’Étranger à souscrire à l’offre qui leur sera présentée et qui peut soulager le Département sur la question du rapatriement.
En ce qui concerne la coopération internationale, l’un des dossiers phares concerne le Projet de Gouvernance inclusive de la Migration au Sénégal, en vue d’améliorer la synergie Migration et Développement également appelée Projet GMD.
Mesdames et Messieurs,
À notre arrivée, nous avons approfondi les échanges avec les partenaires techniques et financiers, à savoir l’Union Européenne et l’Agence Espagnole de Coopération Internationale pour le Développement (AECID) sur les blocages dudit projet. La confiance restaurée s’est concrétisée par l’ouverture des 14 Bureaux d’Accueil, d’Orientation et de Suivi (BAOS) dans toutes les régions, soutenus par 35 points focaux dans les départements.
Ce dispositif est complété par les fonds nationaux et les fonds régionaux avoisinant le milliard.
Ces fonds sont destinés respectivement à financer les associations de migrants et de non migrants qui s’investissent dans le processus d’intégration, d’insertion, de réinsertion de leurs membres, et à soutenir le démarrage ou le renforcement d’activités productives individuelles ou collectives.
S’agissant du Fonds d’Appui à l’Investissement des Sénégalais de l’Extérieur (FAISE), après plusieurs années de suspension de sa ligne relative au Fonds des Sénégalais de l’Extérieur (FSE), celle-ci a été réactivée le 25 novembre 2021 grâce à un financement de 500 millions pour 100 migrants de retour porteurs de projets. Pendant ce temps, le Fonds Femmes Diaspora (FFD), qui n’avait pu être opérationnel, en raison de la Covid-19 a repris son activité.
Enfin, pour renforcer l’opérationnalisation du FAISE et promouvoir le passage « d’une diaspora sociale à une diaspora économique », une convention de partenariat instituant un fonds de financement de projets innovants au Sénégal d’un montant de 3 milliards par an a été signée le 9 novembre 2021, avec la Délégation à l’Entrepreneuriat Rapide pour les Femmes et les Jeunes (DER/FJ).
Dans le cadre de la migration circulaire, des avancées significatives ont été enregistrées, et nous avons fortement plaidé pour la généralisation de ce mécanisme au sein du Processus de Rabat et dans d’autres foras internationaux.
Mesdames et Messieurs,
Je me permets une halte pour évoquer la délicate gestion de l’Opération Force Covid-19, pour laquelle j’ai eu l’insigne honneur, sous l’autorité du Ministre des Affaires étrangères d’alors, Son Excellence Monsieur Amadou BA, de diriger la Cellule de crise, qui supervisait cinquante (50) comités de gestion. Dotée d’un budget de 12,5 milliards de francs CFA, alloués au Département et destinés à nos compatriotes de la diaspora, cette Opération adossée à un plan de contingence et aux principes de transparence et de célérité a conduit à la création d’une plateforme de recensement de nos compatriotes qui prétendaient à l’aide.
C’est ainsi que nous avons pu recueillir en un mois et 12 jours 200 141 demandes, dans plus de 142 pays.
Ont été effectivement prises en charge différentes catégories de demandeurs que sont : les familles des compatriotes décédés, les étudiants, les compatriotes en transit, ceux bloqués dans des pays, les retraités et des indigents et ceux qui avaient récemment perdu leur travail.
Au terme de l’opération, 135 579 compatriotes éligibles ont été identifiés et 126 724 compatriotes ont été réellement assistés, soit un taux d’exécution de 93,47 %. Je voudrais préciser que dans ce cadre : 12 584 personnes ont été rapatriées et 5203 personnes raccompagnées dans leur pays de résidence à partir de Dakar.
Madame le Ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur,
Il m’a été très agréable de travailler sous votre autorité.
Je quitte ce Département en capitalisant sur beaucoup d’acquis. L’honneur est davantage plus grand pour moi que, vous êtes la première femme sénégalaise à occuper le poste de Ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur. Désormais, vous serez assistée, dans vos fonctions, par une autre grande dame, je veux nommer Docteur Annette SECK.
Vaste est le chantier, mais passionnante est la tâche tellement elle cristallise de nombreux enjeux.
La prise en charge de notre vaillante diaspora nous a imposé, mes collaborateurs et moi, de nous investir avec détermination pour faire de nos compatriotes à l’étranger de vrais acteurs de développement de notre pays.
Consolidation des acquis, renforcement des réussites et amélioration continue, telles ont été les tâches que nous nous sommes évertuées à accomplir, sous votre direction.
Cette mission dont ma grande sœur Annette prend le relais est exaltante en ce qu’elle nous donne l’occasion de répondre aux préoccupations légitimes d’une frange importante de notre société qui, à bien des égards, fait office de régulateur social dans notre pays.
De grands projets ont été entamés et je ne doute point qu’avec elle, ils arriveront à leur plein accomplissement pour créer des ponts et des liens productifs entre notre diaspora, les pays d’accueil et le Sénégal.
Madame le Ministre, je vous souhaite un plein succès dans cette exaltante mission que vous entamez et vous remercie, Mesdames Messieurs, de votre aimable attention.?
NDIOKONDIAL
Dakar, le 27 Septembre 2022.
Moise Sarr Secrétaire d’Etat auprès du Ministre des Affaires Etrangères et des Sénégalais de l’Extérieur chargé des Sénégalais de l’Extérieur du 7 avril 2019 au 17 Septembre 2022