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La maternité de l’hôpital Aristide Le Dantec a été soumise ces dernières semaines à la furie destructrice du « Cartepillar

Denise Zarour MEDANG  |   Publication 25/11/2022

La maternité de l’hôpital Aristide Le Dantec a été soumise ces dernières semaines à la furie destructrice du « Cartepillar ». Comme les autres services de cet hôpital, elle a été cognée, rasée, pour les besoins d’une reconstruction à travers un édifice plus moderne qui répondrait aux besoins de la prise en charge de la mère et de l’enfant. Dans ce projet, c’est toutefois un pan d’histoire qui disparaît.

Créé en 1913, l’hôpital Aristide Le Dantec se retrouve aujourd’hui, après plus de cent ans d’existence, complètement rasé, mis à terre pour dit-on, les besoins d’une reconstruction. Aucun service n’a été épargné par le gouvernement du Sénégal qui compte y ériger un établissement de santé de dernière génération. Longtemps considéré comme un hôpital social, du fait qu’il était resté fidèle au concept de sa création comme «  hôpital des indigènes  », Le Dantec prenait en charge plus de 60% des malades sociaux qui venaient le plus souvent de la banlieue dakaroise, des régions de l’intérieur du pays, mais aussi de la sous-région. La maternité ne faisait pas exception car la majorité des références de la région de Dakar y était orientée. Première maternité africaine, elle a aussi abrité la première crèche et accueilli les premières consultations de femmes enceintes et de nourrissons en Afrique occidentale française ( A.O.F.).

PR PAUL CORREA, UNE REFERENCE AFRICAINE

Premier professeur agrégé des facultés en gynécologie obstétrique d’Afrique francophone, Paul Corréa a été le premier directeur africain de la maternité Le Dantec. Reconnaissable par sa belle architecture soudano-sahélienne, elle était devenue un véritable centre de formation pour les étudiants de l’Afrique sub-saharienne et du nord.

Le Pr Corréa avait ainsi formé plusieurs promotions de médecins gynécologues et sage-femmes d’État du Sénégal, du Mali, de Guinée Conakry, du Cameroun, du Rwanda, du Maroc, de l’Egypte qui pour la plupart, sont devenus d’éminents spécialistes de santé reproductive, de renommée continentale et mondiale. Leader principal du dispositif sanitaire néonatal, la maternité a ainsi vu naître plusieurs autorités du Sénégal et de la sous-région comme l’ancien directeur de Dantec, le colonel Massamba Diop.

Après 13 ans de fermeture de cette maternité, des gens de sa trempe ont beaucoup œuvré pour porter le plaidoyer de sa réouverture auprès des plus hautes autorités. Une démarche qui avait porté ses fruits, car la maternité de l’hôpital Le Dantec fermée depuis le 25 août 2005 sera réhabilitée et remise en service en 2018. Les pensionnaires tout heureux, avaient ainsi retrouvé leur joyau qui continuait d’offrir des services de qualité à moindre coût. La chimiothérapie du cancer du sein était ainsi logée dans le service de la maternité.

Mme Bigué Ba Mbodj, présidente de l’Association nationale des Sage-femmes du Sénégal, par ailleurs maîtresse sagefemme de Le Dantec, de se souvenir  : « Nous avons vécu une première fermeture de la maternité qui a duré 13ans. Durant cette période, nous avons reçu la visite d’éminentes personnalités étrangères qui sont venues pour s’enquérir de la situation de cette maternité qui les a vus naître. Et ces dernières, sous la houlette du colonel Massamba Diop, ont beaucoup contribué pour la réouverture de cet édifice ».

DES TRACES D’HISTOIRE QUI S’EFFACENT

Aujourd’hui encore, les pensionnaires de cette maternité revivent le même phénomène qu’avant. « C’est vrai que c’est difficile pour moi d’en parler. C’est avec une grande émotion, quand on a passé plus de 35ans dans une structure, que l’on ait fait sa formation, toute sa carrière dans cette maternité, c’est vrai que tous ces souvenirs et voix, ces histoires, toutes ces anecdotes qui sont passées, c’est toute une vie qui est partie », se désole Bigué Ba Mbodji. Et de poursuivre  : «  maintenant, on a comme consolation l’espoir que cela va se reconstruire dans les délais promis et que le nouvel hôpital sera un établissement sanitaire qui nous fera oublier toutes les misères que nous sommes en train de vivre ».

Seulement, avec la reconstruction de l’établissement Aristide Le Dantec qui se situe au plus haut niveau de la pyramide sanitaire, il risque sans nul doute de changer de statut pour passer d’hôpital social à un hôpital de haute facture. Pour la maîtresse sage-femme de cette maternité : « la maquette renseigne d’un hôpital de très haut niveau avec des soins et des actes de pointe et avec un coût qui va impacter sur les tarifs. Et qui dit impactés sur les tarifs dit aussi sur l’accès à une certaine catégorie de la population et services  ».

Et de se désoler  : « Dantec était l’endroit où la population était assurée de trouver les plus éminents professionnels tous corps confondus, des soins à moindre coût, parfois même des tarifs sociaux, des cas sociaux pris en charge gratuitement et ce sera très difficile qu’avec le coût et le standing que va avoir Dantec que les malades bénéficient de cela  ». Avec la destruction de la maternité de Le Dantec, c’est des pans de vie, des traces d’histoire qui s’effacent à jamais.

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