Les manifestations se multiplient en Chine pour protester contre les contraintes de la politique « zéro Covid » imposée par le gouvernement. De Shanghai à Pékin, le mouvement monte en puissance ce dimanche. Au point que les manifestants n’hésitent plus à réclamer le départ du tout-puissant leader du pays, Xi Jinping, selon les vidéos mises en ligne et authentifiées par les médias.
Urumqi, Shanghai, Pékin. La colère est générale et prend un tour de plus en plus politique. Une part grandissante de la population chinoise crie son ras-le-bol devant la politique « zéro Covid » imposée par son gouvernement – et ses contraintes – au point parfois de briser un tabou et d’oser réclamer le départ de Xi Jinping, le président du pays.
Une mobilisation qu’il faut toutefois suivre avec prudence car si les vidéos illustrant le mouvement se multiplient sur internet, elles demandent toujours authentification tant l’opacité est profonde autour du régime chinois.
Mais la fureur est indéniable. Il faut dire que malgré plusieurs vaccins à disposition, et à rebours du reste du monde, le pays asiatique continue d’imposer des confinements dès l’apparition de premiers cas et à placer en quarantaine les personnes testées positives. Cela près de 3 ans après le début de l’épidémie. Des tests PCR quasi-quotidiens sont également exigés pour l’accès aux lieux publics.
Du « jamais vu »
Ce dimanche à l’aube, c’est d’abord à Shanghai que les protestations contre les confinements ont éclaté, selon le récit des témoins oculaires. Une vidéo largement diffusée sur internet, et que l’AFP a géolocalisée dans la rue Wulumuqi dans le centre-ville de Shanghai, montre certains protestataires crier « Xi Jinping, démission! » et s’en prendre aussi au Parti communiste chinois, une rare démonstration d’hostilité contre le président et le régime dans la capitale économique du pays.
Le caractère inédit de cet appel au départ du leader communiste a été relevé notamment par Stéphane Lagarde, correspondant de RFI en Chine, qui a relayé la vidéo.
Une autre vidéo transmise à l’AFP par un témoin montre des gens se rassembler dans le centre de Shanghai pour rendre hommage aux dix personnes tuées dans l’incendie d’un bâtiment résidentiel d’Urumqi, dans le Xinjiang, dans l’ouest de la Chine jeudi.
De nombreux posts circulant sur les réseaux sociaux en Chine accusent les mesures anti-Covid d’avoir aggravé le drame en ralentissant l’arrivée des secours. Selon d’autres publications sur les réseaux sociaux, des veillées à la mémoire des victimes d’Urumqi ont eu lieu dans plusieurs universités du pays. Le correspondant du Monde en Chine a partagé l’une de ces scènes venues de Shanghai.
Censure sur les réseaux sociaux
Une personne ayant participé aux protestations à Shanghai a confié à l’AFP, sous le couvert de l’anonymat, être arrivée vers 2 heures du matin au rassemblement. « Un groupe de personnes en deuil déposait des fleurs sur le trottoir, un autre groupe scandait des slogans », a raconté ce témoin. « Il y a eu quelques échauffourées mineures mais dans l’ensemble, le maintien de l’ordre a été civilisé », a-t-il poursuivi. « Au moins deux personnes ont été emmenées par la police pour des raisons inconnues ».
« La liberté triomphera »
Un maintien de l’ordre « civilisé » selon ce témoin mais une censure immédiate. Les autorités n’ont pas tardé à restreindre les discussions en ligne sur la manifestation. L’expression « route d’Urumqi » a été censurée sur la plateforme Weibo, proche de Twitter, presque immédiatement après la diffusion des images des rassemblements.
L’accroissement de la lassitude chinoise face à la politique draconienne de lutte contre la pandémie est donc sensible. Des protestations sporadiques et parfois violentes avaient déjà eu lieu dans plusieurs villes ces derniers jours, notamment dans la plus grande usine d’iPhone du monde située à Zhengzhou, dans le centre du pays, et propriété du géant taïwanais Foxconn.
Et le mouvement ne cesse de s’étendre dans le pays. Ainsi, ce dimanche toujours, c’est au sein même de la capitale que la protestation s’est fait entendre. Plusieurs centaines d’étudiants de la prestigieuse Université Tsinghua à Pékin ont pris part à une manifestation. « À 11H30, des étudiants ont commencé à brandir des pancartes à l’entrée de la cantine. Puis de plus en plus de gens les ont rejoints. Maintenant il y a entre 200 et 300 personnes. On a chanté l’hymne national et l’Internationale et scandé: ‘La liberté triomphera' », a décrit l’un des étudiants.