« Les docus de Noël » : Auguste Escoffier « le fantôme bienveillant de la gastronomie mondiale »

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Le chef Auguste ESCOFFIER

La gastronomie française est un art reconnu dans le monde entier, ses chefs cuisiniers sont élevés au rang de « stars » et se former dans une maison française semble être la promesse d’une belle carrière. Si « cette situation semble toujours avoir existé, en réalité, elle est en grande partie l’œuvre d’un petit cuisinier provençal au destin exceptionnel » : Auguste Escoffier. Pour célébrer les fêtes de fin d’année avec gourmandise, Public Sénat vous propose de découvrir le documentaire d’Olivier Julien : « Escoffier ou la naissance de la gastronomie moderne ».

« Pourquoi ai-je appris le métier de cuisinier » questionne Auguste Escoffier « Ce n’était pas ce dont j’avais rêvé, mon rêve était de devenir sculpteur parce que jeune les Beaux-arts m’attiraient ». Une voie à laquelle il renonce pourtant pour des raisons économiques. Commis chez son oncle à 13 ans, cuisinier à 19 ans à Paris, il gagne vite du galon mais comprend bien à quoi ce métier le condamne dans cette France du Second Empire : Rester en bas de l’échelle sociale… Loin de l’image des chefs d’aujourd’hui respectés de tous, présents dans les médias et dont la voix porte souvent au-delà des cuisines.

Un apprenti dans le Paris bouillonnant du Second Empire

A l’époque, « la cuisine était peu considérée dans la société mondaine » et Auguste Escoffier rêve du prestige dont jouissait un siècle avant lui Antonin Carême, cuisinier de Talleyrand, surnommé « le roi des chefs et le chef des rois » et premier à porter cette appellation de chef. Il va tout faire pour se rapprocher de cet exemple prestigieux. Pour le chef Yves Camdeborde : « devenu chef de cuisine, Escoffier s’achète comme Carême un siècle auparavant, la plus haute toque possible pour se faire respecter et imprimer sa patte », une tradition qui perdure encore aujourd’hui.

Le chef Yves Camdeborde (Capture du documentaire d’Olivier Julien : « Escoffier ou la naissance de la gastronomie moderne »)

Mais plus que la cuisine, ce qui séduit et intéresse Escoffier c’est « l’art culinaire ». Un art qui dans le Paris bouillonnant de la seconde moitié du XIXe siècle va pouvoir éclore, raconte l’historien Pascal Ory. « C’est l’apothéose du Second Empire, c’est le moment où il faut être dans la capitale, dans ce régime certes autoritaire, moderniste, populiste mais qui, représente un moment excitant » dans la vie du pays. Révolution industrielle, conquête coloniale, toutes les couches de la société s’enrichissent. Dans le Paris d’Hausmann, des restaurants se disputent une clientèle faite de grands bourgeois, d’aristocrates sur le déclin, d’industriels ou encore de banquiers. « Paris est le centre d’un monde hédoniste » analyse Pascal Ory. Un monde dans lequel Auguste Escoffier entre, apprend, écoute à une place de choix, un restaurant à deux pas des Champs-Elysées : « Le Petit Moulin Rouge ».
Le dîner est alors une affaire de plusieurs heures, un spectacle mais qui pour le jeune Auguste Escoffier manque de simplicité et au prix de conditions de travail en cuisine très dures : Chefs autoritaires, ambiance étouffante…

Le chef Escoffier en cuisine (Capture du documentaire d’Olivier Julien : « Escoffier ou la naissance de la gastronomie moderne »)

Un précurseur qui remet de l’humanité derrière les fourneaux

C’est en 1867 lors de la seconde Exposition universelle qui chante les louanges du progrès et de la modernité que le cuisinier Escoffier prend conscience de son rôle : « Pour que la gastronomie puisse s’élever au rang des Beaux-arts, il est grand temps que le vent du progrès souffle aussi en cuisine » aurait-il dit. Il a 22 ans, est déjà second de cuisine mais ne supporte plus les conditions de travail de sa brigade et de son chef.

Sa première préoccupation, instaurer un climat respectueux dans sa cuisine, indispensable selon lui à une pratique plus créative du métier. « Ce n’est pas un chef qui fait le coup de poing, raconte le chef Thierry Marx, Escoffier est plus dans l’art de convaincre que de vaincre, un management qui diffuse et qui permet aux équipes d’adhérer » et si on parle encore de lui aujourd’hui c’est parce qu’on approuve « sa méthode de travail et pas seulement son style de cuisine, on a pratiquement l’adhésion à un leader ». Une méthode qui inspire encore aujourd’hui. C’est encore Auguste Escoffier qui invente le concept même de « brigade de cuisine ». Escoffier « c’est la démocratie en cuisine, c’est l’humain avant tout » confirme Fabrice Lasnon chez du Savoy Hôtel à Londres, « sa cuisine, c’est celle de l’écoute qui permet de repérer les talents ».

La vie parisienne sous le Second Empire (Capture du documentaire d’Olivier Julien : « Escoffier ou la naissance de la gastronomie moderne »)

« Escoffier a envie que ceux qui travaillent avec lui deviennent des hommes libres et épanouis et comme lui des chefs connus et reconnus » conclut Thierry Marx à propos du chef qui innove également dans les domaines de la transmission et de l’apprentissage, de la mutuelle ou encore de la lutte contre la paupérisation de ses employés.

Une implication auprès de ses équipes qui se ressent aussi en salle. Auguste Escoffier cuisine pour les plus grands de son époque : le Prince de Galles, Léon Gambetta, le Président de la république Mac Mahon ou encore l’écrivaine George Sand qui bravera l’interdit faites aux femmes de dîner au restaurant pour s’asseoir à la table du plus grand cuisinier de l’époque.

Public Senat

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