À Dakar pendant trois jours à partir de ce lundi, la cheffe de file du RN détaillera sa vision d’un « codéveloppement euro-africain ».
Par Charles Sapin
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Les mobilisations et premières grèves contre la réforme des retraites se feront donc sans elle. Marine Le Pen s’envole ce lundi après-midi à Dakar pour un voyage de trois jours au Sénégal, laissant derrière elle le bras de fer annoncé entre le gouvernement et la rue. Fruit de plusieurs années de discussions et de préparation, ce premier périple en Afrique de l’Ouest tombe à pic pour la présidente du groupe de 89 députés RN à l’Assemblée nationale. Depuis plusieurs semaines, ses principaux lieutenants réfléchissaient à la meilleure façon de l’extraire ponctuellement de la cuisine parlementaire afin de la hisser au-dessus du jeu partisan et d’entretenir sa stature présidentielle.
Dans une tribune publiée ce lundi dans le quotidien L’Opinion, Marine Le Pen détaille les ambitions de son déplacement : « La France et le Sénégal peuvent devenir les deux moteurs d’une relation de confiance retrouvée entre l’Europe et l’Afrique. […] À nous de peser ensemble, à l’OMC comme dans les négociations de bloc à bloc, pour réussir cette conciliation complexe de l’équilibre des sociétés avec les exigences d’une croissance soutenable. » Le choix du « pays de la Téranga » pour quelques semaines encore à la tête de l’Union africaine n’a rien d’anodin. Seront également du voyage l’eurodéputé RN Philippe Olivier, la vice-présidente de l’Assemblée nationale Hélène Laporte, ainsi que le conseiller Nicolas Lesage, déjà organisateur des déplacements de Marine Le Pen au Tchad, en Égypte et au Liban en 2017.
Une rencontre avec les responsables politiques
Dans la continuité de son discours prononcé à N’Djamena, au Tchad, lors de la campagne présidentielle de 2017, où elle avait appelé à « en finir avec la Françafrique », la cheffe de file nationaliste entend promouvoir sur place « un cadre de coopération Europe-Afrique plus transparent et plus efficace ». Elle compte deviser sur la sécurité alimentaire, la santé et l’industrialisation de l’Afrique avec responsables politiques et membres de la société civile. La délégation entretient le plus grand mystère sur une potentielle rencontre avec le chef de l’État sénégalais, Macky Sall. Autant d’échanges qui pourraient cependant être facilités par les déclarations de Marine Le Pen lors de sa dernière campagne présidentielle.
La candidate malheureuse avait appelé, entre les deux tours, à ce qu’un siège de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations unies soit attribué au Sénégal, « pays sage et respecté de la grande Afrique ». Au premier tour de l’élection présidentielle de 2022, Marine Le Pen a recueilli 6,09 % des suffrages des ressortissants français au Sénégal, contre 38,40 % pour Jean-Luc Mélenchon et 33,68 % en faveur d’Emmanuel Macron.
Marine Le Pen découvrira sur place une situation politique tendue. Le président de la République sénégalaise, Macky Sall, y achève son second mandat, le dernier selon la Constitution de son pays. Il a perdu sa majorité absolue lors des législatives de l’été dernier. Toute ressemblance avec une situation connue est purement fortuite. Contrairement à nombre de pays de la région, le Sénégal continue d’entretenir de bonnes et fluides relations avec la France. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, était à Dakar fin décembre, quelques semaines après la participation du Premier ministre sénégalais, Amadou Ba, à un séminaire intergouvernemental à Paris en présence d’Élisabeth Borne.
Un tour de chauffe
Les relations de la France avec son ancienne colonie ne sont, pour autant, pas exemptes de meurtrissures. L’absence, en 2002, du président Jacques Chirac et du Premier ministre Lionel Jospin aux obsèques de l’ancien chef de l’État sénégalais Léopold Sédar Senghor, pourtant grand ambassadeur de la francophonie, membre de l’Académie française et ami personnel de Georges Pompidou, a laissé des traces. Comme le discours prononcé en 2007, à Dakar, par le président français tout juste élu Nicolas Sarkozy qui y avait regretté que « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire ».
Plus récemment, le Sénégal reproche à la France, et plus largement à l’Union européenne, les sanctions économiques prononcées contre la Russie qui impactent directement ses importations et contribuent à la hausse des prix des intrants agricoles ou des graines. Comme les difficultés rencontrées par les Sénégalais, ces dernières années, pour obtenir des visas français.
Autant de sujets sur lesquels Marine Le Pen ne manquera pas d’être interrogée et en réponse auxquels elle devrait détailler sa vision d’un « codéveloppement eurafricain ». Comme un tour de chauffe avant les discussions, en France, sur le projet de loi immigration qui doit être présenté en conseil des ministres le 1er février prochain. Après l’affrontement parlementaire sur la réforme des retraites contre laquelle le RN se rêve en « première force d’opposition » au gouvernement.