De futurs fronts et des dissidences du choix attendus, Dans le camp présidentiel, le choc des ambitions retrouve son vrai sens.
Qualifié de technocrate et génie politique par ses pairs et certains observateurs voire même ses alliés qui lui ont prêté allégeance, eu égard à plusieurs situations politiques qu’il a eu à déjouer, le Président Macky Sall reste aujourd’hui au centre d’un jeu politique trouble. Ou alors clair-obscur ! Après avoir renoncé à une troisième candidature, les dés sont jetés avec des ambitions qui fusent de tout bord à travers plusieurs stratégies.
Dans le camp présidentiel, le choc des ambitions retrouve son vrai sens. Présentement, avec des machinations, manipulations et autres batailles de positionnement en sourdine de plusieurs hauts responsables politiques, ces ambitions, bien sauvegardées par certains, voient le jour discrètement malgré le fait qu’ils ont tous donné carte blanche à leur chef de file, le président Macky Sall. Ces combines politiques souterraines et frondes en gestation contre le Président Sall en interne sont analysées par le journaliste et analyste politique, Ibrahima Bakhoum et le sociologue Abdoulaye Cissé.
Ibrahima Bakhoum, journaliste et analyste politique: « Les politiciens ne donnent plus une impression de fiabilité »
M. Ibrahima Bakhoum indique que personne ne veut tout de suite, s’afficher comme étant le contradicteur du président. Peutêtre que, relève-t-il, Macky Sall a déjà un regard fixé sur un nom ou le regard sur un personnage. Mais ils doivent sûrement le savoir même s’il ne le dit pas à haute voix. D’après Pr Bakhoum, forcément, il y aura nécessité de fair-play, de loyauté et d’opportunisme quelque part. Puisque d’autres diront au président, non, vous avez carte blanche. Faites ce que vous voulez. « Les transhumants par exemple, qui étaient avec Wade et qui sont de retour avec Macky,si nous reprenons leur discours avec Wade dans les années précédentes de Macky au pouvoir, y compris Macky qui, lors d’un séjour en France, a dit que c’est Wade qui l’a fabriqué. Donc, ceux qui disent actuellement Macky yaffi nek, lo wakh nonoula, c’est des discours entendus. Mais, en dessous, on ne sait pas ce qu’ils sont en train de fabriquer ou de tisser », a analysé Ibrahima Bakhoum. Ainsi, il se souvient que Wade avait eu des gens qui, entre 2012 et 2014, ont fortement travaillé contre lui dans le PDS. En un moment, les politiciens ne donnent plus une impression de fiabilité. Le président Macky Sall, qui n’est pas naïf, les connaît très bien. Il sera toujours forcément prudent pour rester le maître du jeu. Eux aussi, ils seront prudents. « Pour le moment, il n’y a pas de problème. Mais dans le futur, des contradictions vont surgir en public ou en sourdine. Nous sommes en politique. Actuellement, ils ont besoin de Macky Sall comme gage d’assise politique. Et pour d’autres, ils vont continuer à profiter deslargesses du pouvoir, en profiter pour payer leurs prêts de banque entre autres. La décision de Macky ne pourrait donner l’impression de passer comme lettre à la poste. Je n’exclus pas cela pour certains. Mais ils sont capables de mettre des grains dans le sable », craint-il. D’ici la campagne électorale, notre analyste politique craint des divergences manifestes qui seront menées par des destructeurs ou saboteurs contre le candidat que Macky choisira. « Sans doute, ils ne voudront pas avoir Macky en face. Donc, ils vont faire profil bas. Surtout que le président les a menacés sur des affaires pendantes en justice. J’aime bien la comparaison avec Senghor qui avait fait de sorte que quand il y a vacance du pouvoir, le Premier ministre monte au pouvoir. A l’arrivée de Diouf, il y a eu beaucoup de gens qui étaient contre, du fait qu’il n’avait pas de base politique ni aucune représentativité. Alors Diouf avait menacé en créant la CREI. Et tous les ministresse sont ramollis. Ce qui justifie qu’il n’y a eu aucune révolte. La différence, c’est que Diouf l’a fait très tôt en 1991 et Macky a reproduit cette situation avec une menace ouverte à sa sortie en 2023 et 2024 », conclut-il.
Abdoulaye Cissé, Sociologue: « Quel que soit le choix du Président Sall, il y aura forcément des dissidences »
Le sociologue Abdoulaye Cissé précise que la décision de Macky Sall de ne pas briguer un troisième mandat est appréciée comme telle dans sa mouvance. Par devoir et par reconnaissance, ses alliés ne peuvent que lui rendre honneur sur fond de carte blanche par rapport au choix du prochain candidat de la coalition BBY. Il s’agit, dit-il, d’un choix fait à chaud sous l’effet de surprise de sa déclaration de non candidature c’est-à-dire dans l’euphorie de l’historicité de son acte et par redevabilité. « Cela ne veut pas dire que la décision qui en découlera va passer comme lettre à la poste, notamment du côté des militants à la base. Quel que soit le choix que le Président fera, il y aura forcément des dissidences, des frondes portées notamment par la base. Et à partir de ce moment, les têtes de pont auront le choix soit de suivre la base pour éviter l’implosion de leur parti, soit de rester par devoir et par fidélité dans la coalition BBY pour aussi éviter d’être voués aux gémonies comme de vulgaires traitres », a déduit le sociologue Abdoulaye Cissé.
D’après M. Cissé, quel que soit le choix du Président, il y aura forcément des désaccords aussi bien de la part des alliés que de la part de certains leaders de l’APR qui se positionnent déjà comme les héritiers légitimes de Macky Sall. « Il y aura nécessairement le choc des ambitions. Certains leaders de l’APR, qui pensent être “présidentiables”, sont déjà mentalement et financièrement prêts à aller conquérir le suffrage des Sénégalais. Ils sont déjà dans la peau d’un futur Président. Etsi le choix de Macky ne se porte pas sur eux, ils feront défection et iront à la rencontre des Sénégalais. Ce sera la même chose du côté des alliés de Bby. Les leaders auront du mal à se démarquer par peur d’être traités de traitres ou d’arrivistes. Mais la base – comme éternel prétexte- peut sonner le glas de la séparation et leur enlever une épine du pied. Les Sénégalais jugeront et départageront le moment venu », a-t-il analysé. M. Abdoulaye Cissé est d’avis qu’on le veuille ou pas, Macky reste un redoutable homme politique. Il ne cesse de surprendre son monde. Ce qui pousse certains spécialistes à se poser la question de savoir quelle autre surprise réserve-t-il encore à l’opinion? Par ailleurs, notre éminent sociologue signale qu’il a des cartes à jouer et reste encore le maitre du jeu avec toujours, un pouvoir discrétionnaire de nomination aux emplois civils et militaires et de renvoi aux postes stratégiques. « Des dossiers sont sous son coude comme arme politique ? Sans doute. Mais toujours est-il qu’avec Macky, la politique du bâton et de la carotte a toujours été appliquée aussi bien avec ses alliés qu’avec ses adversaires. D’après Abdoulaye Cissé, Macky Sall est craint et redouté pour sa grande capacité de s’adapter à toute nouvelle donne.