Un projet de loi visant à interdire les discours et les tenues qui « nuisent à l’âme du peuple chinois ou blessent le peuple chinois » provoque le débat en Chine. Les punitions prévues par le texte vont d’une amende à 15 jours en prison.
CHINE – Une interdiction vestimentaire qui fait débat. Non, ce n’est pas de la France dont il s’agit, mais de la Chine et d’un nouveau projet de loi qui vise à interdire les discours ou tenues « qui nuisent à l’âme du peuple chinois ».
Selon Bloomberg, le texte, récemment publié par le Comité permanent de l’Assemblée nationale populaire et qui fait partie de leurs priorités pour cette année, provoque la polémique dans le pays.
Ce que les législateurs chinois entendent par « nuire à l’âme du peuple chinois » et « blesser le peuple chinois » n’est pas précisé dans le texte. Mais toute personne reconnue coupable de ces crimes pourrait, une fois le texte validé, recevoir une amende allant jusqu’à 5 000 yuans (637 €) ou une peine de prison allant jusqu’à 15 jours.
« Est-ce que porter un costume-cravate compte ? »
Le texte prévoit la même punition pour ceux qui créeraient ou diffuseraient des articles ou des discours qui « nuiraient » eux aussi « au peuple chinois ». Il contient également l’interdiction « d’insulter, de diffamer, ou de porter atteinte aux noms des héros locaux et des martyres ».
Ce projet de loi a très vite déclenché des réactions dans le public et sur les réseaux sociaux chinois, où certains condamnent un texte excessif et flou. Sur Weibo, l’équivalent de Twitter en Chine, un utilisateur s’interroge : « Est-ce que porter un costume-cravate compte ? Le Marxisme vient de l’Occident. Est-ce que sa présence en Chine est considérée comme pouvant blesser la nation ? », rapporte la BBC.
Selon The Independent, un autre utilisateur du réseau avance : « L’âme de la nation chinoise ne devrait-elle pas être forte et résiliente ? Pourquoi peut-elle être facilement entachée par une tenue ? »
Arrêtée pour avoir porté un kimono
Zhao Hong, une professeure de droit à l’université chinoise de science politique et de droit, s’est aussi inquiétée des dérives possibles avec un tel texte, dans une publication citée par la BBC. « Qu’est qu’il se passe si la personne qui exécute la loi, le plus souvent un policier, a une interprétation personnelle de ce qui blesse, et forme des jugements moraux qui dépassent le cadre de la loi ? »
Plusieurs exemples récents viennent éclairer le projet de texte. L’année dernière, dans la ville de Suzhou, une femme a été arrêtée parce qu’elle était vêtue d’un kimono. Elle a été accusée de « chercher le conflit et de provoquer des problèmes » en portant le vêtement traditionnel du Japon – pays ennemi de la Chine à travers l’Histoire.
Cette année, une autre femme a été interpellée car elle portait une tenue militaire japonaise. Tandis qu’au mois d’août, les personnes arborant les couleurs de l’arc-en-ciel LGBTQ+ sur leur tenue ont été interdites d’entrer à un concert à Pékin.
Ce projet de loi est par ailleurs le dernier exemple en date des mesures mises en place par le président chinois Xi Jinping pour limiter les libertés individuelles, depuis son arrivée au pouvoir en 2012.