Crises mondiales : l’Afrique ne fait pas de « sentimentalisme » et privilégie ses intérêts (Louise Mushikiwabo)

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Louise Mushikiwabo© Malick MBOW
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Crises mondiales : l’Afrique ne fait pas de « sentimentalisme » et privilégie ses intérêts (Louise Mushikiwabo)
Dans un contexte international de crises, les pays africains, souvent sommés de s’aligner derrière l’Occident, « se positionnent par rapport à leurs intérêts » et ne font pas de « sentimentalisme », estime la secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), Louise Mushikiwabo.

La responsable rwandaise a évoqué, dans un entretien jeudi avec l’AFP, les changements à l’oeuvre sur le continent et les relations tumultueuses de l’Afrique francophone avec l’ancien colonisateur français.

« Quand on parle de l’Afrique aujourd’hui et de politique internationale, il ne faut pas penser que l’Afrique n’a pas d’intérêts! », souligne Mme Mushikiwabo.

Avec le déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022, « il y a eu une certaine incompréhension » des pays occidentaux vis-à-vis du positionnement des pays africains, dont plusieurs, comme le Sénégal, se sont abstenus de condamner la Russie, rappelle Mme Mushikiwabo.

« Beaucoup de pays sont contre l’invasion. Mais ils se positionnent par rapport à leurs intérêts, comme l’Occident le fait de son côté. Les dirigeants sénégalais vont penser à leur peuple avant de soutenir aveuglément le positionnement d’un pays proche comme la France », souligne la cheffe de l’OIF.

Au moment du vote de la première résolution de l’ONU après le début de l’offensive russe en Ukraine, le 2 mars 2022, exigeant l’arrêt de l’invasion russe, 17 pays africains, dont l’Afrique du Sud, l’Algérie, le Sénégal ou la République démocratique du Congo, s’étaient abstenus. Sept n’avaient pas participé au vote, dont le Burkina Faso, la Guinée équatoriale, le Maroc et le Togo, illustrant le fossé entre le Nord et les pays du « Sud global ».

Au chapitre des relations avec la France, dont l’influence est de plus en plus contestée dans ses anciennes colonies – quand les relations ne sont pas exécrables dans les cas du Mali, du Burkina Faso ou du Niger, dirigés par des juntes militaires – Mme Mushikiwabo estime que, « oui et non », il y a un « rejet ».

– « Ce n’est pas un drame » –

« Il y a aussi et surtout la question de la mauvaise gouvernance dans ces pays, et le sentiment chez les jeunes que la France officielle a soutenu ces systèmes » et leurs dirigeants. Or « le monde change, l’Afrique a beaucoup changé », insiste-t-elle.

« Les aspirations de la jeunesse africaine vont au-delà de l’ancien pouvoir colonisateur. Ce n’est plus uniquement Paris qui compte pour ces jeunes-là. Ils recherchent d’autres aventures, d’autres opportunités ailleurs ».

« Il y a avec la France comme une sorte de lien très très fort qui avec le temps se relâche. Ça ne devrait pas être interprété comme un drame », sourit Mme Mushikiwabo, pour qui l’influence française a certes « diminué » mais n’est « pas terminée ».

Interrogée sur le traitement différencié réservé par son organisation, qui a ainsi suspendu le Mali, le Burkina Faso et la Guinée après les coups d’Etat militaires, mais pas le Niger ni le Gabon, la secrétaire générale rétorque qu’il est « tout à fait normal », invoquant « le contexte » et « les particularités politiques » de chaque pays.

Au Gabon, par exemple, où l’ex-président Ali Bongo a été renversé fin août par des putschistes, « les autorités de transition ont demandé à l’OIF de les accompagner jusqu’aux élections (prévues en 2025) ».

« Quand les dirigeants de la transition me disent +madame, on a besoin de votre accompagnement, vous ne pouvez pas nous punir pour avoir arrêté un système politique corrompu depuis des années+, je ne peux que leur faire confiance, j’ai confiance. Même s’il n’y a jamais de garanties en politique », dit-elle.

« J’ai reçu comme mandat d’approcher ces pays qui sont en crise, Mali, Burkina, Niger, Gabon… et de garder un dialogue avec eux, de les écouter. Notre philosophie est de tout faire pour l’amélioration de la vie des citoyens et pour aider ces pays à revenir à la constitutionnalité », insiste-t-elle.

L’OIF compte 54 membres, sept membres associés et 27 observateurs. Selon les chiffres du dernier rapport 2022, 321 millions de personnes dans le monde sont francophones, en augmentation de 7% par rapport à 2018.

Mais cette hausse est surtout due à la démographie africaine. La langue française recule sur le continent européen ainsi que dans les organisations internationales, au profit de l’anglais.

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