Le candidat d’extrême droite de 53 ans prend la tête de la troisième puissance d’Amérique latine. Élu avec 56% des voix, il a notamment préconisé «un ajustement (économique) beaucoup plus dur» que celui demandé par le FMI.
Par Capital avec AFP
Javier Milei préconise «un ajustement beaucoup plus dur» que celui demandé par le FMI. Cette volonté de tarir la dépense publique soulève le problème de l’impact social, dans un pays où 40% des habitants vivent sous le seuil de pauvreté et 51% reçoivent une forme d’aide ou subside. «La douleur sera aigüe et largement ressentie s’il y a un vrai plan de stabilisation, et il n’est pas dit que les Argentins en voient le bon côté», prédit Benjamin Gedan, spécialiste de l’Argentine au think tank américain Wilson Center. «Javier Milei apporte avec lui un ingrédient de confrontation politico-sociale, un discours belliqueux, agressif, d’ajustement envers des secteurs, telle la fonction publique, à forte capacité de mobilisation», estime Gabriel Vommaro, politologue à l’université San Martin. «Avec, peut-être, une voie répressive, dont on ne sait pas comment elle pourrait finir».
La dollarisation de l’économie, pour laisser mourir de sa belle mort un peso argentin en constante dépréciation, est une clef du programme du futur président pour «assécher» l’inflation. Mais comment dollariser un pays en manque de réserves de change, de dollars ? Facile, dit le camp Milei : utiliser les dollars que les Argentins économisent depuis des années sous l’oreiller. Le pays «est le troisième au monde en quantité de dollars physiques» détenus. Il s’agirait de leur redonner la confiance et la possibilité de les utiliser. Mais face à un taux de change officiel considéré comme irréel (369 peso pour un dollar), les «choses pourraient déraper hors de contrôle» d’ici à l’investiture le 10 décembre. Dévaluation ? Inflation accrue ? «S’ouvre un période d’instabilité», pour l’analyste Ana Iparraguirre, du cabinet GBAO Stratégies.
Le parti de Javier Milei, La Libertad Avanza, était entré en 2021 au Parlement avec trois députés. Il est désormais la 3e force – 38 députés sur 257 – dans une chambre basse sans majorité absolue, mais où le bloc péroniste (centre-gauche) reste dominant (108). Des alliances, ponctuelles ou durables, seront indispensables, comme avec le bloc de droite Juntos por el Cambio (93 députés). Mais celui-ci n’a jamais paru aussi proche d’imploser, après s’être déchiré sur la question du soutien ou non à Javier Milei au second tour. Il devra rebâtir des relations avec des pays-clefs pour lesquels il a eu des mots très durs, notamment le Brésil de Lula, la Chine, les deux premiers partenaires commerciaux de l’Argentine. «Je ne ferai pas d’affaires avec des communistes. Je suis un défenseur de la liberté, de la paix et de la démocratie», a déclaré Javier Milei pour qui ses alliés sont «les Etats-Unis, Israël et le monde libre». Le président brésilien Lula, qu’il avait traité de «communiste corrompu», lui a souhaité dimanche «bonne chance et réussite».
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Changement sur les Malouines ?
En revanche, il pourrait apporter un ton nouveau sur la question des îles Malouines, où il s’est dit disposé à négocier, non pas la souveraineté argentine, mais une solution à long terme du type de celle qui mena à la rétrocession de Hong Kong à la Chine (1997). Pour la première fois en 40 ans de démocratie, un consensus sur le legs de la dictature (1976-1983) s’est fissuré lors de la campagne, avec la négation par Javier Milei du bilan de morts et disparus (30 000 selon les organismes de droits humains). «8 753», selon lui. Sa référence à une «guerre» (entre guérillas de gauche et Etat) plutôt que «dictature» pour qualifier cette époque, a choqué. Comme sa demande d’une justice «équitable» pour les militaires actuellement en détention préventive (une centaine) dans le cadre des 360 procédures en cours pour crimes pendant la dictature dérange.
L’héritage de la dictature, sujet hyper-sensible, a jusqu’à présent été épargné par les divisions partisanes. Une rupture pourrait, là aussi, donner matière à mobilisations. Tout n’est pas que problème pour le futur président Milei. 2024 devrait, en théorie, offrir une manne bienvenue : la sécheresse historique de 2022-2023, la pire en un siècle, liée au phénomène La Niña, avait privé le pays, agro-exportateur par excellence, de quelque 20 milliards de dollars de recettes. Ils seront bienvenus. Aidera, aussi, la montée en puissance progressive du gazoduc, inauguré cette année, du gisement de gaz et de pétrole de Vaca Muerta, qui devrait faire économiser quelques 10 milliards de dollars par an d’importations d’énergie, selon l’économiste Elizabeth Bacigalupo du cabinet Abeceb.