Mort de Jacques Delors, le dernier grand architecte de l’Europe

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Jaques DELORS@Malick MBOW 1

Ancien collaborateur de Jacques Chaban-Delmas, ministre de l’Économie de François Mitterrand, il avait consacré la majeure partie de sa vie à la construction européenne. Il est décédé à l’âge de 98 ans, a annoncé sa fille Martine Aubry.

Le 27 décembre 2023 à 17h52, modifié le 27 décembre 2023
Jacques Delors a été président de la Commission européenne de 1985 à 1995. European Union
Jacques Delors a été président de la Commission européenne de 1985 à 1995. European Union

Ces dernières années, sa parole s’était faite extrêmement rare et on ne voyait plus ses yeux bleus rieurs derrière ses lunettes austères. Jacques Delors est mort ce mercredi matin à son domicile parisien « dans son sommeil », a précisé sa fille Martine Aubry.

En mars 2020, au début de la pandémie de Covid, Jacques Delors était néanmoins sorti de son silence. Pour défendre à nouveau et inlassablement l’Union européenne, craignant que le manque de solidarité entre États ne lui fasse « courir un danger mortel », ajoutant, inquiet, que « le microbe est de retour ».

La relance de la construction européenne aura été le grand œuvre de l’ancien président de la Commission européenne de 1985 à 1995, qui s’est inscrit dans la lignée des « pères fondateurs » à l’origine du Traité de Rome.

Il a insufflé un nouveau souffle au Vieux Continent

Lorsqu’il arrive à Bruxelles, l’année de ses 60 ans, Jacques Delors vient de passer trois années comme ministre de l’Économie, des Finances puis du Budget du gouvernement Mauroy au sein duquel il a amorcé le « tournant de la rigueur ». François Mitterrand a un temps envisagé de le nommer à Matignon. Pas grand monde ne parie alors sur la réussite cet homme discret à l’heure où l’Europe des Dix est embourbée dans l’immobilisme et minée par l’europessimisme. Fort de trois principes, « la compétition qui stimule, la coopération qui renforce et la solidarité qui unit », Delors va pourtant, une décennie durant, insuffler un nouveau souffle au Vieux Continent.

En 1986, il orchestre la signature par les États membres de l’Acte unique qui prévoit la libre circulation des personnes, des marchandises, des capitaux et des services. « Mon traité favori » disait-il. Fort d’une relation privilégiée avec le chancelier Helmut Kohl et visionnaire, il accélère également l’entrée dans l’Europe des ex-Länder de l’Allemagne de l’Est après la chute du mur de Berlin, convaincu que la réunification allemande ouvre un nouveau chapitre pour l’édifice européen.

Inspirateur de la monnaie unique européenne

Architecte pragmatique d’une Europe qui vit alors son âge d’or, Delors obtient la mise en œuvre d’un dispositif de solidarité envers les régions les plus pauvres du continent, crée le programme étudiant Erasmus, réforme la politique agricole commune (PAC) et lance le Programme européen d’aide aux plus démunis.

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Celui qui se définissait comme un « pessimiste actif » restera aussi comme l’inspirateur, dès 1989, de la monnaie unique européenne. Mais il sera parti sans que soit mis en place un gouvernement économique européen pour lequel il ne cessera de plaider. « On ne peut pas tomber amoureux d’un grand marché », martelait-il.

Le 19 janvier 1995, Jacques Delors quitte la Commission européenne, dix ans après en avoir pris la présidence.
Le 19 janvier 1995, Jacques Delors quitte la Commission européenne, dix ans après en avoir pris la présidence. AFP/Damien MEYER

Beaucoup le pressent à gauche de se présenter à l’élection présidentielle de 1995, d’autant qu’il est en tête dans les sondages. Ses amis du club Témoin, présidé alors par un certain François Hollande, trépignent. Mais le 11 décembre 1994, il annonce en direct sur TF1 renoncer à la candidature suprême. Une décision qui met un terme à cinquante ans d’une vie professionnelle foisonnante où il fut successivement syndicaliste influent, haut fonctionnaire remarqué puis homme politique toujours réticent aux jeux politiciens.

Un parcours qui a suscité la méfiance

Le jeune Jacques Delors, né le 20 juillet 1925 à Paris, se rêvait pourtant couturier, cinéaste ou journaliste. C’est finalement à la Banque de France qu’il débute à 19 ans, poussé par son père qui y travaille comme encaisseur. Le jeune homme y gravit rapidement les échelons, poursuivant parallèlement des études en quasi autodidacte. En 1962, il intègre le Commissariat général au Plan puis rejoint en 1969 le cabinet du Premier ministre gaulliste Jacques Chaban-Delmas où il participe à l’élaboration de projet de « nouvelle société ». Un parcours qui suscitera la méfiance lorsqu’il rejoindra en 1974 le Parti socialiste, dont il fut député européen.

Mais c’est dans le syndicalisme que ce catholique de gauche, féru de jazz et passionné de sport a véritablement forgé son engagement. À la CFTC (Confédération française des travailleurs chrétiens) dès 1945 puis à la CFDT. C’est d’ailleurs au syndicat de la Banque de France que Jacques Delors a rencontré son épouse Marie (décédée en juin 2020). De leur union est née en 1950 Martine Delors, qui sous son nom de mariage, Aubry, deviendra plusieurs fois ministre, première secrétaire du PS et maire de Lille. Et trois ans plus tard, Jean-Paul Delors, qui sera emporté par une leucémie à l’âge 29 ans, alors qu’il commençait une carrière prometteuse de journaliste. Un drame qui marquera à jamais Jacques Delors.

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