Le 27 janvier 2012. Vendredi, prédit comme celui de tous les dangers, le Sénégal a reçu un coup de massue qui, durant des jours, a fait sombrer la majorité de sa population dans une colère noire incontrôlable. Ce jour-là, le conseil constitutionnel devait se prononcer sur la candidature controversée du chef de l’Etat sortant à l’élection présidentielle du 26 février 2012, Me Abdoulaye Wade. Tous les yeux étaient braqués sur les sept (7) sages. Et le pire était appréhendé si jamais le «Pape du Sopi» est autorisé à concourir pour un troisième mandat. Au sortir de leur «conclave», les «grands juges» ont autorisé Wade, quatre vingt six (86) ans, à briguer un mandat de plus.
A l’annonce de la décision des «sages» judiciaires, Dakar s’embrase. Les membres du M23 (Mouvement du 23 Juin», qui s’étaient donnés rendez-vous depuis des heures à la «Place de l’Obélisque»-rebaptisé « Place de la Nation»- dénoncent « cette injustice». A ce moment précis, la colère a atteint son paroxysme. Le policier Fodé Ndiaye, âgé juste de vingt (20) ans, était sur le terrain des affrontements. Il est pris en partie par les jeunes dans les ruelles de Colobane. il est lapidé par des jeunes, en furie, qui le tue à coups de pierres. Douze ans après, Seneweb revient sur cette affaire que la justice a eu du mal à résoudre.
La vidéo de l’horreur
Dans la pénombre, une masse sombre apparait. Des détonations de tirs de grenades lacrymogènes et des intonations de voix aussi. Plus nettes que les images de la vidéo, elles déchirent la quiétude inhabituelle de cette ruelle du quartier Colobane, théâtre des affrontements entre les éléments du Groupement Mobile d’Intervention (Gmi) et les manifestants. Une approche plus exacte de l’objectif permet au «cameraman amateur», de balancer un rendu déchiffrable. Une vue qui glace le sang. Couché sur le ventre, un homme, en tenue noire, est allongé. Inerte, il ne bouge plus. Autour de lui, un groupe se forme. Certains pour lui lancer encore des pierres, d’autres pour jeter un coup d’œil. Le plus sadique lui balance une brique avant de s’enfuir, suivi d’un autre qui dissuadait les autres d’arrêter le lynchage. Tout s’embrouille. Le bon samaritain semble impuissant face à la furie des jeunes. Une main posée sur l’homme allongé lui permet, sûrement, de constater que la cible, à terre, ne respire plus. Là, il recule et prend la tangente avant de disparaître dans le noir.
Le garçon, couché à même le sol, s’appelle Fodé Ndiaye. Il est policier et a seulement vingt (20) ans. Alors qu’il venait juste d’intégrer la grande famille policière, il est tombé dans l’exercice de ses fonctions lors d’un rétablissement de l’ordre public et de protection des personnes et des biens. Il est tué de façon atroce. Lapidé. C’était il y a douze (12) ans.
La 3ième candidature de Wade autorisée par le conseil constitutionnel, Dakar s’embrase
La matinée du 27 janvier 2012, Fodé Ndiaye sait qu’il passera une journée particulière. Comme tous les Sénégalais, il attend la décision du Conseil Constitutionnel (Cc) qui doit donner la liste des candidats à l’élection présidentielle du 26 février et trancher, par la même occasion, le débat sur la candidature du président sortant, Me Abdoulaye Wade.
Membre du Groupement Mobile d’Intervention (Gmi), il fait partie de l’équipe envoyée à la « Place de l’Obélisque», actuel « Place de la Nation». Les partis de l’opposition et les organisations de la société civile se sont donné rendez-vous là-bas, attendant de pied ferme la décision des sept (7) sages.
Tenue bien ajustée, Fodé est, avec ses collègues, resté au poste. Faisant le pied de grue, l’objectif premier est de veiller à la sécurité des populations et maîtriser tout débordement des manifestants.
Des débordements qui n’ont pas tardé lorsque, dans la soirée du vendredi 27 janvier 2012, la décision si redoutée tombe avec la publication de la liste des candidats. Me Abdoulaye Wade en fait partie. Il est autorisé à briguer un troisième mandat par les juges du Cc.
Dakar s’embrase. Une série de manifestations s’enclenchent. La capitale est en ébullition. D’autres villes du Sénégal aussi. A Colobane, une véritable guérilla se déroule entre les forces de défense et de sécurité (Fds) et les manifestants. Les jeunes, armés de pierres, font face aux FDS. Qui, de leur côté, ripostent par tirs de grenades lacrymogènes. Pourchassant les jeunes jusque dans les ruelles de leur quartier, les limiers ont du mal à maîtriser la furie des protestataires. Certains s’en sortent, d’autres non.
Et ce que redoute tout agent des «Fds» lors d’une manifestation arrive à Fodé et ses collègues. Au cours des échauffourées, les policiers sont à court de munitions. La maîtrise étant la meilleure des armes dans pareil cas, ils tentent de rester zen. Et de trouver une solution. Ce qu’ils réussissent à faire jusqu’à ce qu’un œil indiscret les découvre.
A court de munitions, six (6) flics se planquent, extirpés de leur cachette, les autres s’échappent Fodé Ndiaye tombe et se fait lapider
Dans ces temps faibles, Fodé Ndiaye et ses cinq (5) collègues ont réussi à trouver une planque pour ne pas tomber entre les mains des jeunes manifestants. Ils se terrent alors dans un endroit pour ne pas être découverts. Mais, ils ne réussissent pas à se dissimuler longtemps. Les jeunes réussissent à les extirper de leur cachette. C’est le sauve-qui-peut. Vite, très vite, chacun tente de s’arracher de cette rafale de pierres.
Ce jour-là, l’étoile de Fodé s’était aussi terrée. Elle n’avait pas daigné sortir pour briller et lui éclairer la route. Les autres ont réussi à s’échapper. Lui, jeune policier de 20 ans, non. Il voit sa course freinée par un croque en jambe. Déséquilibré, il tombe. A la merci des manifestants, il reçoit une pluie de pierres qui l’assomment avant de le tuer.
Le lendemain, samedi 28 janvier 2012, la nouvelle de sa mort fait le tour des médias.
Le jour suivant, le ministre sénégalais de l’Intérieur d’alors, Me Ousmane Ngom, annonce l’ouverture d’une enquête destinée à identifier les responsables de la mort du policier Fodé Ndiaye « tué vendredi soir à l’occasion d’une manifestation de l’opposition» précise-t-il. L’enquête, ouverte par les services compétents en vue d’identifier les auteurs et complices «de ce crime odieux», les détails des circonstances de la mort du jeune policier sont révélés, confirmant les bribes d’informations reçues.
« Des éléments du Groupement mobile d’intervention (GMI) ont été pris à partie par des manifestants à l’angle des rues 45 et 40 à Colobane. L’un d’entre eux, l’auxiliaire de police Fodé Ndiaye a été grièvement blessé à la tête par un jet de briques et a succombé peu de temps après ».
Ainé de sa famille, dans les rangs après le bac, Fodé Ndiaye le «calme», le «discipliné» décoré à titre posthume
Deux jours après sa mort, Fodé Ndiaye est enterré dans son village natal à Koungheul, localité située à 296 kilomètres de Dakar. Décoré à titre posthume par le ministre de l’intérieur, la levée du corps, prévue le dimanche 29 janvier 2012 à l’hôpital Principal de Dakar, s’est déroulée en présence des autorités étatiques d’alors, les ministres : Me Ousmane Ngom, Karim Meissa Wade (Fils du président Wade et actuel candidat à la présidentielle de février 2024), Alioune Sow (actuel ministre de la culture), Modou Diagne Fada (actuel ministre des Collectivités territoriales), Bécaye Diop, feu Djibo Leyti Kâ entre autres.
La grande famille de la police judiciaire a aussi accompagné leur frère jusqu’à sa dernière demeure. Ainsi s’est terminée la courte vie de Fodé Ndiaye, tué à la fleur de l’âge.
Un garçon, considéré comme quelqu’un de calme et discipliné par ses camarades et ses supérieurs. Ainé de sa famille, il s’est engagé dans les rangs après le baccalauréat pour épauler ses parents et tendre la perche à ses frères et sœurs. Une ambition, tuée dans l’œuf. Vieux Ndiaye et sa femme se sont résignés à vivre avec la douleur d’avoir perdu leur premier enfant.
Un an après leur incarcération, les supposés meurtriers en grève de la faim
Alors que Koungheul enterre son fils, Dakar traque les coupables de ce crime barbare. L’enquête, confiée à la Division des Investigations Criminelles (Dic), avance. Le 30 janvier 2012, l’arrestation des présumés meurtriers de Fodé est annoncée. Une opération qui a été rendue possible grâce à la vidéo qui circule sur Youtube.
Les premières informations parlent de jeunes membres de l’Alliance Pour la République (Apr). Cheikh Sidaty Mané alias Gattuso est le premier à tomber. Face aux enquêteurs, il cite des noms. Et balance « ses amis ». Cheikh Cissé alias «Délai», Cheikh Diop dit «Christ», Boubacar Diallo, Mactar Diaw et Mamadou Gaido Keita sont, tour à tour, alpagués.
L’enquête bouclée, ils sont déférés au parquet de Dakar avant d’être placés sous mandat de dépôt. Koungheul pousse un ouf de soulagement, Colobane un cri strident de douleur. La douleur de voir ses fils, qui ne cessent de clamer leur innocence, arrêtés. Entre mouvements de soutien et sorties médiatiques, l’innocence des jeunes arrêtés est clamée. Un rapport des organisations des droits de l’homme, traité par le journal «l’Obs», détaille les tortures qu’ils auraient subies depuis leur arrestation. Le 30 janvier 2013, un an après leur arrestation, une information fait état d’une grève de la faim de Gattuso et Cie. Ils veulent pousser les autorités compétentes à réactualiser leur dossier. « Ils préfèrent une mort rapide à une mort lente », ont-ils dit à un de leurs proches interrogé par le journal L’As. Une grève qu’ils arrêtent grâce à l’intervention des dignitaires de leur quartier, informés de la situation par la sortie médiatique d’Alioune Tine de la Rencontre Africaine des Droits de l’Homme (Raddho). Gattuso et Cie se plient. Ils acceptent leur statut de prisonniers en détention préventive et attendent que Dame Justice boucle l’instruction avant de fixer la trajectoire que prendra leur dossier.
Leurs avocats, de leur côté, feu Me Mbaye Jacques Ndiaye, Assane Dioma Ndiaye, Demba Ciré Bathily, Ramatoulaye Bâ, Baba Diop, Théophile Kayossi, Aliou Sow …ont tout fait pour annuler la procédure estimant que leurs clients ont été torturés par les policiers pour leur extorquer des aveux. En vain.
Le procès
Le 16 janvier 2015, l’espoir est permis. Boubacar Diallo, Mactar Diaw et Mamadou Gaido Keita, bénéficiant d’un non-lieu, Cheikh Sidaty Mané alias «Gattuso», Cheikh Diop Cissé alias «Délai» et Cheikh Diop dit «Christ» sont programmés à comparaître, le 6 février 2015, devant la Cour d’assises de Dakar. Leur dossier clôture la troisième session 2014 de la Cour d’assises de Dakar qui s’est ouverte le 26 janvier.
Le jour du procès, les présumés meurtriers de Fodé Ndiaye répondent aux accusations portées sur eux : meurtre, association de malfaiteurs, violences et voies de faits sur des agents de la force publique dans l’exercice de leur fonction.
Tout au long de l’interrogatoire, les trois accusés contestent leur participation à l’expédition punitive lancée par des manifestants contre Fodé Ndiaye.
Entendu le premier, Cheikh Sidaty Mané nie toute implication dans cette affaire. Pendant les manifestations, il n’est pas, maintient-il, sorti de chez lui depuis son retour aux environs de 19 heures. «C’est à partir de notre terrasse que je regardais la manifestation», s’est-il défendu.
La vingtaine, Gattuso est le plus jeune des accusés. Taille courte, son corps robuste contraste avec la sensibilité qu’il essaie d’imprimer à sa voix à chaque fois qu’il répond aux questions du juge, lui demandant pourquoi il a été cité dans cette affaire s’il n’est pas impliqué. «Depuis 3 ans, je me pose cette question», répond l’accusé, timbre rauque qui menace de craquer à tout moment. Son malheur, il le doit à la dame Arame Sow dit « Arame Bandit » qui l’a identifié à travers une vidéo. Celle-ci l’a, jure-t-il, confondu. Mais, Arame l’enfonce encore à la barre. «J’ignore qui a tué, mais j’ai vu Gattuso avec une brique, debout devant la victime. Il portait un t-shirt rouge», déclare-t-elle.
Cheikh Sidaty Mané, mécanicien de vingt huit ans, (Il avait 25 ans lors de son arrestation) le défie: «Si on visionne le film à l’instant, on verra que ce n’est pas moi, mais plutôt Cheikh Diop. Il portait un maillot vert blanc du Celtic Glasgow ». Gattuso de préciser que le «Cheikh Diop» qu’il a cité est différent de son co-accusé, Cheikh Diop alias « Chris».
Cheikh Cissé : “Mon seul tort, est de ne pas avoir écouté ma mère”
Profitant de cette déclaration, Cheikh Diop qui venait juste de se marier, revient sur cette folle journée du vendredi. Il était, dit-il, parti à la plage. C’est à 19 heures qu’il dit être revenu et n’est plus sorti de sa maison. Au juge de lui rappeler les déclarations de sa propre épouse : «En plus de Cheikh Sidaty, votre épouse vous a identifié et a dit que vous empêchiez l’un des bourreaux d’asséner une brique à la victime». Cheikh réplique : «Elle ne l’a jamais dit, car j’ai assisté à son audition».
Quant à Cheikh Cissé, il est dans les regrets. Non pas parce qu’il était de la partie. Mais parce que s’il est dans cette galère, c’est parce qu’il n’a pas respecté la consigne de sa mère. «Elle m’avait demandé de ne pas sortir, mais je l’ai fait en allant boire du café chez mon ami vendeur Matar. Mais, quand j’ai vu la foule de manifestants, je suis parti». Quid de ses aveux à la police ? «J’étais inconscient. Les policiers m’avaient asphyxié et torturé de 22h jusqu’à l’aube, mais je n’ai ni manifesté, ni lancé de pierres», grogne-t-il.
Me Rama Bâ revient sur les blessures de leurs clients, parle des « tortures policières » et émeut le public
Les avocats de la défense ont, dès l’ouverture du procès, plaidé la nullité de la procédure. Pour Me Demba Ciré Bathily, «un procès-verbal établi sur la base d’actes de torture n’est pas digne d’être discuté à la barre». Feu Me Mbaye Ndiaye renchérit à propos de son client : «A le (Cheikh Sidaty) voir lors de son déferrement, on dirait qu’il revenait d’une boucherie». Me Ramatoulaye Bâ s’est voulu plus cru. Elle détaille les blessures infligées à leurs clients jusque dans leurs parties intimes. Donnant la taille des blessures en centimètres, des cris et pleurs ont fusé de la salle.
Pour Me Aliou Sow, l’enquête ne devait pas être confiée à la Division des investigations criminelles (Dic). «Qu’est-ce qu’il y a de scandaleux, si la Dic a été choisie? Cela ne pose nullement problème», réplique l’avocat général, Abdou Karim Diop, actuel procureur de la république. Contestant l’existence des blessures, « rien ne prouve que celles-ci résultent de leur arrestation» crache-t-il.
La perpétuité requise par l’avocat général Abdou Karim Diop, actuel procureur de la république
Convaincu de la culpabilité des accusés, le maître des poursuites a requis la perpétuité pour tous. Pour Me Théophile Kayossi, la seule infraction commise par les accusés, c’est d’habiter Colobane. «Comment pouvait-on reconnaître Gattuso sur la vidéo, vu qu’il faisait sombre à cause de la coupure d’électricité ? » s’interroge pour sa part Me Baba Diop. L’autre élément à décharge, selon l’avocat, est le fait que les accusés soient des proches de Modibo Diop, qui soutenait, le président de la République, Me Abdoulaye Wade.
Il est appuyé par Me Sow qui a demandé à ce que le témoignage de Arame Sow soit écarté. Pour discréditer ce témoignage, l’avocat a évoqué le passé pénal de la jeune dame, tout en relevant ses multiples contradictions. Ainsi, à défaut d’un acquittement pur et simple, il plaide l’acquittement au bénéfice du doute. Le verdict tombe : seul Cheikh Cissé est acquitté.
Cheikh Cissé acquitté, Gattuso et Christ écope de 20 ans de travaux forcés
La Cour a disqualifié le meurtre en coups mortels. Elle a aussi écarté l’association de malfaiteurs avant de condamner Gattuso et Christ à vingt (20) de travaux forcés.
Une décision qui déclenche des cris stridents à la salle 4 de la Cour d’Assise. Gattuso, se retournant à l’annonce de la décision rendue tard dans la nuit, affiche un visage crispé qui accentue les pleurs de ses proches.
Ne se déclarant pas vaincus, les avocats de la défense, convaincus de l’innocence de leurs clients, promettent de faire appel dans le délai d’un mois qui leur est donné. Ce qu’ils feront. Dix neuf (19) mois après, les deux condamnés se retrouvent encore à la barre de la Cour d’Appel pour clamer une fois de plus leur innocence.
Procès en appel
Le 01 août 2016, la deuxième manche de cette affaire a lieu. Les accusés plaident encore pour leur libération. «Je demande à la justice de me rendre ma liberté, car je suis étranger aux faits qu’on me reproche», lance Cheikh Sidaty suivi de Cheikh Diop qui déclare : « Je veux rentrer chez moi car je suis innocent. »
Des propos, tenus à la fin des plaidoiries des avocats. Au cours de débats, les jeunes se sont bien défendus. Cheikh Sidaty Mané avoue, certes, qu’il n’était pas d’accord avec la candidature de Me Wade, vu que ce dernier avait emprisonné son leader Modibo Diop, mais il n’a pas participé aux manifestations.
Dans ses explications, le mécanicien, né en 1984, confie que les policiers l’ont cueilli chez lui deux jours après les faits. A la police, on lui a montré une vidéo dans laquelle il a identifié les nommés Cheikh Cissé, Boubacar Diallo, Téranga Keïta et Matar Diaw. Aux enquêteurs, il avait aussi dit que le nommé Antou lui avait narré les faits le lendemain, en lui disant que Vieux Camara, Mamadou Keïta, Cheikh Cissé, Matar Niang et Ousmane Thiombane avaient participé à la manifestation. Que ce dernier avait arraché la porte de la maison où les policiers s’étaient réfugiés.
« Arame Bandit », témoin clef de l’enquête, absente
L’accusé Cheikh Diop qui a été arrêté à cause d’une confusion n’a pas varié à la Cour d’appel. Il était, selon lui, à la plage de Terrou-bi et n’est rentré qu’à 19 heures. A son retour, sa femme lui a dit de ne pas sortir. Ce qu’il dit avoir fait. Mais, il a été arrêté le lendemain. Confrontés aux déclarations du témoin principal Arame Sow dit « Arame Bandit », faites à la police, les accusés ont encore nié.
Absente lors de cette seconde audience, elle avait dit à la police, à l’instruction et lors du procès en première instance que les accusés étaient présents sur les lieux du crime. « Je ne peux rien dire par rapport aux allégations d’Arame Sow habituée à accuser injustement les personnes. D’ailleurs, elle l’a même fait à son propre frère qui est allé en prison par sa faute», lance Gattuso au juge. Les trois personnes, entendues à titre de renseignement, ont cherché à tirer d’affaires les accusés. Ndèye Sène, épouse de Cheikh Diop, contrairement à son époux, soutient que celui-ci est rentré tardivement cette nuit-là. Babacar Fall, lui, déclare qu’au moment des évènements, aucun locataire, y compris Gattuso, n’est sorti de la maison, car il l’avait fermée depuis 19 heures. « Vous êtes un drôle de bailleur », lance le président.
Cheikh Cissé, l’acquittement, les tortures de 22 heures à l’aube
En revanche, le témoin Cheikh Cissé, acquitté par la Cour d’assises, est largement revenu sur les tortures dont ses ex-codétenus et lui ont fait l’objet pour les pousser à avouer. « Nous avons été torturés de 22h à l’aube, alors que nous sommes toujours victimes des manifestations en tant qu’habitants. Même à la prison, les gardes nous torturaient sous prétexte que nous avions tué un policier », se plaint-il. Les avocats appuient leurs clients, en expliquant que ces derniers ne pouvaient même pas se tenir debout au moment de leur inculpation, tellement ils ont été torturés.
Ils plaident l’acquittement après le réquisitoire de l’avocat général qui a requis dix (10) ans de travaux forcés, estimant que les jeunes méritent des circonstances atténuantes. Le juge, cependant, ne l’a pas suivi. « Votre présence sur les lieux du crime est un indice, mais pas une preuve», a conclu le juge Mamady Diané qui les a acquittés. Une libération, accueillie par des pleurs et les cris différents de ceux de la première instance. Ces cris expriment de la joie. Gattuso, lui, laisse éclater son soulagement. Et craque. Inconsolable, il s’est déchargé de ce poids qu’il porte depuis quatre ans. Quant à Chris, il est resté calme. Impénétrable.
Colobane jubile, Koungheul pleure
Si les familles des jeunes de Colobane jubilent, chez Fodé Ndiaye c’est l’effet contraire. Dans les colonnes de l’Observateur, le porte-parole de la famille du défunt policier exprime tout son regret et sa surprise. «Nous sommes sous le choc et regrettons de voir la justice trancher cette affaire, avec banalité et légèreté», se désole Diafara Sadikhou Fofana. A Koungheul où vit la famille de Fodé Ndiaye, c’est la douleur et la déception «Sincèrement, j’avoue que nous ne savons plus quoi faire, nous sommes sous le choc et le regret de ne jamais voir la justice trancher équitablement ce meurtre. C’est dommage et désolant», résume le porte-parole de la famille de Fodé Ndiaye. Qui réclame du Chef de l’Etat, un procès équitable et transparent.
Qui sont les vrais meurtriers de Fodé Ndiaye ?
Ce sentiment habiterait toute personne qui voit ceux, présentés comme les meurtriers de ses proches, libérés. Aujourd’hui, Dame justice est face à cette équation à plusieurs inconnus. Qui sont les vrais meurtriers de Fodé Ndiaye ? La justice continue-t-elle de les traquer ou a-t-elle lâché l’affaire ? Les parents de Fodé Ndiaye méritent une réponse. Ses camarades, amis et connaissances aussi. Une réponse qui viendra peut-être un jour.