Par Ibrahima BAKHOUM, BABACAR TOURE, QUATRE ANS DE L’ABSENCE ÉTERNELLE

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Babacar TOURE1©Malick MBOW

Paix à l’âme du pionnier. Respect pour les continuateurs de l’œuvre multidimensionnelle du parrain de la 49e promotion du Cesti et ancien régulateur de l’audiovisuelle qui a donné son nom à la Maison de presse à Dakar.
Ibrahima BAKHOUM | Publication 26/07/2024
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Certains de leurs amis communs en étaient convaincus et en parlaient dans des cercles restreints. Si Babacar TOURE était encore de ce monde, le débat sur la troisième candidature du Président Macky SALL n’aurait pas occupé l’espace public aussi durablement qu’il en a été le cas. L’ancien Président du Groupe Sud Communication, plus tard porté à la tête du CNRA (2012-2018) avait l’écoute de celui qui alors présidait aux destinées du Sénégal. Et il n’en n’avait pas que de la part de son compatriote.

Conakry aurait peut-être fait l’économie des tensions qui conduisirent à l’initiative des militaires. Les mêmes potes d’ici et d’ailleurs invoquent encore, la solide complicité qui existait entre l’opposant Alpha CONDE et le très politique journaliste Babacar TOURE, BT pour la signature. Militant engagé à gauche, le fondateur de Sud tissait les mêmes rapports avec Alpha Oumar Konaré, ancien opposant malien devenu président de son pays. A Nouakchott, on lui prêtait oreille, quoiqu’il n’arrêtât jamais (peut-être pour cette raison), de dénoncer racisme et mal gouvernance, sur la rive droite du Sénégal.

A Dakar, c’est à peine si Babacar TOURE n’avait pas ses habitudes chez le Président Abdou DIOUF et chez son premier ministre Habib THIAM. Et pourtant, au plus fort des années de pouvoir socialiste, les publications du Groupe, chronologiquement Sud Magazine, Sud Hebdo, Sud quotidien et Sud FM étaient traitées de « nids » d’opposants. Une réputation surfaite ? Question de compréhension, surtout. Ceux qui voulurent voir dans les équipes de BT, « une certaine presse » en eurent pour leur (mauvais) compte. « Nous sommes une Presse c’est tout », répliquait celui dont les éditoriaux étaient aussi attendus, que redoutés.

UN INCONTESTÉ LEADER

Babacar TOURE était à la fois un excellent manager, un meneur d’hommes averti, mais toujours à cheval sur les principes : défendre la liberté d’expression pour la consolidation de l’Etat de droit, où qu’il puisse être menacé en Afrique. Il pouvait être reçu par le Président Abdoulaye Wade le lundi, le lendemain, laisser les journalistes exprimer leur désaccord avec les libéraux au pouvoir. Les ponts n’étaient pas coupés pour autant. Il avait une philosophie du journalisme : « tout papier est coupable ». Soit du fait de sa forme, soit parce qu’il bouscule des intérêts et des certitudes, mais « nous ne devons jamais oublier que nos moyens de vivre ne doivent pas passer avant nos raisons d’exister » comme régulateurs sociaux et contre-pouvoir. La Presse est une composante de la société civile, en effet. Là réside le nécessaire équilibre dans le traitement de l’information. On ne se cherche ni amis à couvrir, ni ennemis à détruire. Nos contempteurs d’aujourd’hui peuvent être nos laudateurs du lendemain, mais Sud restera une Presse, au sens plénier du terme. Régulateur social, Babacar TOURE en fut. En négociations syndicales, la corporation lui doit beaucoup pour la signature de la Convention collective des journalistes (droits, devoirs et traitements).

Le nom de Sud qu’il trouva après un tour de propositions venues des quatre autres journalistes autour de lui, avait l’opportunité d’être facile à prononcer certes, mais au-delà de la sonorité, Mbaye TOURE voyait l’essentiel des peuples damnés de la Terre, dans un contexte mondial marqué par l’impérialisme encore tout influent sur les gouvernances des pays anciennement colonisés ; en Afrique comme en Amérique du Sud. Il avait lu Marx, puisé dans Mao et compris le sens des luttes de libération. Pour cette raison, entre autres, l’homme de médias avait maintenu familiarité, amitié parfois, mais en tous les cas du respect avec ses « anciens camarades » idéologiques, politiques et démocratique parmi lesquels des leaders comme Abdoulaye Bathily (LD), Amath Dansokho (PIT), Landing Savané (AJ), Abdou Fall (RND). Dans le cercle des intellectuels plus ou moins engagés, on trouve le philosophe Alpha Amadou SY, des universitaires émérites dont Amady Aly DIENG, Pr Abdel Kader BOYE, Pr Iba Der THIAM. Il avait le commerce facile avec le syndicaliste Mademba SOCK qui vient de nous quitter.

La liste est beaucoup trop longue de personnalités de tous bords, qui ont été dans le carnet d’adresses de Mbaye, en l’occurrence quelques figures emblématiques tirées d’une longue liste de personnalités reconnues compétentes, crédibles, qui ont marqué l’espace public, durant ces dernières décennies, jusqu’à aujourd’hui encore, au Sénégal et ailleurs dans la sous-région ouest africaine. Homme de gauche, assurément, et pourtant, aucun nuage dans ses rapports à l’Amérique du Nord où il étudia au Canada (programme Cesti) et aux Etats-Unis.

UN ESPRIT OUVERT À TOUS LES VENTS DU PROGRÈS

Cette ouverture d’esprit qui le caractérisait lui ouvrait quasi toutes les portes, dans tous les foyers religieux du Sénégal, nonobstant l’appartenance qui lui valut d’être enterré à TOUBA, le 27 juillet 2020. La veille, le 26, date entrée dans l’histoire de la Presse sénégalaise, en début de soirée, le petit cercle à son chevet hésitait encore à donner la triste nouvelle. Le Pr Souvasin DIOUF, chirurgien orthopédiste, dut se résoudre à informer. Lui, c’est l’ami fusionnel, toujours présent et attentionné, chaque fois que de besoin.

Quand Vieux SAVANE, le directeur de publication de Sud quotidien prend son téléphone pour me donner la triste nouvelle, il ne sait pas que je venais de décider, pour autre raison professionnelle, de ne pas dormir ce soir-là. Et il y eut plus fort que le seul travail, pour m’imposer une lourde et longue nuit de veille. La Presse « perd son emblème » annonça Sud quotidien dans son édition du 27 juillet, attristant fortement son assistante de longue date, Madame Henriette Kande, qui avoua son incapacité à écrire la moindre ligne car aussi bouleversée que le fut son directeur de cabinet au Cnra, le magistrat Cheikh Bamba Niang.

L’univers médiatique secoué comme rarement auparavant, les UNE de la presse quotidienne ne sont que sur ce militant des grandes causes démocratiques dont la Liberté de la Presse.

C’est cet homme qui eut la générosité d’ouvrir une école de journalisme. Le CESTI ne pouvait recevoir tous les candidats au concours d’entrée. De très bons élèves qui rêvaient de journalisme avaient été laissés sur le bord de la route. Sud décida de leur donner une chance d’atteindre leur but. Aujourd’hui, des diplômés de l’Issic se rencontrent dans quasi toutes les rédactions de Dakar et ailleurs au Sénégal et en Afrique. De la même façon qu’il lança la première radio FM privée du Sénégal. Il fallait entendre Abdou Latif Coulibaly en faire l’historique, au trentième anniversaire de SUD FM, célébrée récemment en présence d’anciens et de nouveaux membres du Groupe. Il a expliqué comment le regretté Chérif El Valide SEYE émérite journaliste, en devint le premier directeur. Journalistes, techniciens, administratifs, chauffeurs et autres continuateurs de l’œuvre ont rendu un vibrant hommage à Babacar TOURE, qui fit un long parcours, de Enda Tiers-monde à Groupe Sud.

LES CONTINUATEURS HONORENT LA MÉMOIRE DES DISPARUS

Baye Omar GUEYE actuel patron de la Radio, avait été généreux pour penser associer tout le monde à la célébration. Manquait à l’évènement celui dont le coup de fil aux nécessiteux annonçait la bonne nouvelle : le regretté Ousmane Ndiaye, homme de tous les contacts, alliait efficacité et discrétion auprès du « frère », dont il était incontournable confident. Aujourd’hui, la mémoire fait le tour de la famille, de Fatima DIA et Aïssatou SY, mères des enfants. En pensant notamment à l’aînée, Ndèye Fatou qui, encore dans le berceau, vécut les moments les plus stressants du début de l’aventure Sud, quand les Sidy Gaye, Ibrahima Fall et Abdoulaye Ndiaga Sylla, entre autres fondateurs, faisaient la navette entre le Soleil à Hann et le centre- ville où le journal, encore en version magazine trimestriel, faisait ses premières éditions. Cela en inspira d’autres. Et naquirent Walf hebdo, le Cafard libéré, le Témoin, constitutifs de ce qu’on baptisa, « quatre mousquetaires » de la Presse privée.

Paix à l’âme du pionnier. Respect pour les continuateurs de l’œuvre multidimensionnelle du parrain de la 49e promotion du Cesti et ancien régulateur de l’audiovisuelle qui a donné son nom à la Maison de presse à Dakar.

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