Le gouvernement a déclaré mercredi l’état de « calamité naturelle exceptionnelle » à Mayotte après le passage du cyclone Chido. Ce tout nouveau dispositif, spécialement prévu pour les territoires ultramarins, est activé pour la première fois. Le président Emmanuel Macron est attendu jeudi sur l’île.
Le gouvernement français a déclaré, mercredi 18 décembre, l’état de « calamité naturelle exceptionnelle » à Mayotte, archipel de l’océan Indien dévasté par le cyclone Chido, où les secours continuent d’affluer et où le président Emmanuel Macron est attendu jeudi 19 décembre.
C’est la première fois qu’est activé ce tout nouveau dispositif, spécialement prévu pour les territoires ultramarins.
Selon le ministère des Outre-mer, il permettra d’assurer « une gestion plus rapide et efficace de la crise et faciliter la mise en place de mesures d’urgence » après le passage meurtrier du cyclone dans le département le plus pauvre de France, où un tiers de la population vit dans des logements précaires.
#Mayotte
Activation de l’état de calamité naturelle exceptionnelle. Face à cette situation exceptionnelle, des moyens exceptionnels doivent être déployés pour rétablir rapidement les services vitaux et mettre en place un plan de reconstruction durable. #CycloneChido pic.twitter.com/qZJOjjuKHg— François-Noël BUFFET (@fnb_officiel) December 18, 2024
D’une durée initiale d’un mois, le dispositif peut être renouvelé par période de deux mois. Il « permet une plus grande réactivité aux autorités locales et nationales, tout en allégeant certaines procédures administratives », a indiqué le ministère dans un communiqué.
Un archipel ravagé
Le cyclone Chido, le plus intense qu’ait connu Mayotte depuis 90 ans avec des vents à plus de 220 km/h, a frappé l’archipel le 14 décembre. Selon un bilan provisoire du ministère de l’Intérieur, il a fait 31 morts et 1 373 blessés, même si les autorités anticipent un nombre de victimes beaucoup plus important.
Sur l’archipel au paysage défiguré, les habitants des quartiers précaires du chef-lieu Mamoudzou tentent avec les moyens du bord de rafistoler ce qui peut l’être, en martelant la tôle ou en posant des toits de fortune sur leurs habitations soufflées par le vent.
« Petit à petit, on réintègre des services à mesure qu’on arrive à les nettoyer », explique à l’AFP , Jean-Mathieu Defour, directeur du centre hospitalier de Mamoudzou (CHM).
Jeudi, Emmanuel Macron se rendra au chevet des patients, mais aussi des soignants du CHM, avant d’aller dans un « quartier détruit », a annoncé l’Élysée. Le chef de l’État emmène dans son avion des secouristes ainsi que quatre tonnes de fret alimentaire et sanitaire.
« Phase massive » de soutien à Mayotte
« La tragédie de Mayotte est probablement la catastrophe naturelle la plus grave de l’histoire de France depuis plusieurs siècles », a écrit le Premier ministre François Bayrou dans un courrier adressé mercredi aux forces politiques.
Plus de 100 tonnes de vivres devaient être distribuées mercredi, selon le ministre de l’Intérieur démissionnaire Bruno Retailleau.
« On passe à la phase massive du soutien à Mayotte », a aussi déclaré Patrice Latron, le préfet de La Réunion, île d’où les autorités ont lancé un « pont maritime civil » qui va démarrer dans la nuit avec le départ de quelque 200 conteneurs attendus dimanche sur l’archipel.
Parmi ce chargement, l’équivalent de « millions de litres d’eau ». Grâce à ces envois, « aucune pénurie d’eau en bouteilles n’est prévue », se sont félicitées les autorités.
Les cyclones se développent habituellement dans l’océan Indien de novembre à mars. Cette année, les eaux de surface étaient proches de 30°C dans la zone, ce qui fournit plus d’énergie aux tempêtes, un phénomène lié au réchauffement climatique observé également cet automne dans l’Atlantique Nord et dans le Pacifique.
À Mayotte, un hôpital de campagne avec une centaine de lits médicalisés sera mis sur pied dans les prochains jours, a par ailleurs annoncé François-Noël Buffet, ministre démissionnaire des Outre-mer.
Le difficile décompte des victimes
Outre les secours, l’établissement d’un bilan humain est l’une des priorités des autorités. Pour l’heure, 22 décès ont été recensés à l’hôpital et neuf par les communes. Mais le décompte officiel, a reconnu le ministère de l’Intérieur, « n’est pas en adéquation avec la réalité des 100 000 personnes qui vivent dans un habitat précaire », occupé en grande partie par des immigrés venant des Comores voisines.
Une mission de recherche a été mise en place pour réaliser ce décompte, rendu d’autant plus délicat que les Comores, d’où est originaire une partie des habitants de Mayotte, est une terre de forte tradition musulmane : selon les rites de l’islam, les défunts doivent être enterrés au plus vite.
Dans les bidonvilles désormais nus, « ça enterre à tour de bras, donc on n’aura jamais de décompte », estime auprès de l’AFP un membre du personnel judiciaire du tribunal de Mamoudzou ayant requis l’anonymat. « Que ce soient des gens en situation régulière ou irrégulière, peu importe, on ne saura jamais. »
Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a redit, mercredi 18 décembre, son intention de légiférer contre l’immigration clandestine « totalement incontrôlée » sur l’archipel et d’être « beaucoup plus dur avec les Comores ».
Éviter les pillages
Pour éviter les pillages, un couvre-feu a été instauré depuis mardi soir de 22 h 00 à 04 h 00. Quelque 2 000 membres des forces de l’ordre sont ou vont être mobilisées. Il faut pouvoir « assurer l’ordre public pour ne pas ajouter du désordre au désordre », a encore déclaré Bruno Retailleau.
Autre priorité : assurer les besoins vitaux en eau et en nourriture.
L’alimentation en eau « fonctionne à 50 % » a précisé mercredi François-Noël Buffet, mais elle présente un risque de « mauvaise qualité ». L’électricité, elle, n’est que « partiellement remise en route ». Les routes, elles, sont majoritairement déblayées.
Le système éducatif est aussi très touché : les 221 écoles, 22 collèges et 11 lycées de l’archipel « sont tous impactés ». Environ 40 % du bâti scolaire est endommagé, donc pas utilisable pour l’instant, indique-t-on au ministère de l’Éducation nationale. Quelque 27 établissements accueillent par ailleurs 9 000 sinistrés.
« Le ministère travaille activement à la préparation de la rentrée scolaire à partir du 13 janvier », ajoute le ministère, rappelant que 117 000 élèves sont normalement scolarisés à Mayotte.
En parallèle, la fédération professionnelle France Assureurs a annoncé l’envoi d’une « mission de reconnaissance » pour anticiper les déclarations de sinistres, sachant que, selon l’administration, très peu de ménages sont effectivement assurés sur l’archipel.
Avec AFP