SOYONS LES ARCHITECTES DE NOTRE FUTUR

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Portrait Vieux SAVANE© Malick MBOW

Par Vieux SAVANE

SOYONS LES ARCHITECTES DE NOTRE FUTUR

Convaincre de la survenue d’une aube nouvelle suppose de rompre avec le mauvais signal que sont ces hordes de jeunes que l’on encourage à s’exfiltrer sur des terres lointaines pour s’y retrouver à cueillir des fruits et légumes

Vieux Savané  |   Publication 10/02/2025

Exprimant la conviction selon laquelle « notre développement est d’abord interne », le Premier ministre Ousmane Sonko a plaidé ces derniers jours pour une « mobilisation des ressources locales », « l’industrialisation du pays et le renforcement des capacités nationales afin de réduire la dépendance aux financements étrangers ». On ne peut que souscrire à une telle approche, en attendant de la voir s’amorcer avec foi et détermination, car une telle voie ne se construit pas d’un coup de baguette magique.

Au chef de l’Etat et à son gouvernement de sonner d’ores et déjà la mobilisation générale et de convaincre de la survenue d’une aube nouvelle. Ce qui suppose de rompre avec le mauvais signal que sont ces hordes de jeunes que l’on encourage à s’exfiltrer sur des terres lointaines pour s’y retrouver à cueillir des fruits et légumes. Ou pire encore, répondre à la demande d’envois de médecins, ingénieurs, au moment où l’on est soi-même confronté à des déserts sanitaires et à un déficit criant de compétences professionnelles et techniques.

Pour autant, feu Ki-Zerbo avait déjà prévenu de l’irresponsabilité à vouloir se « coucher sur la natte des autres ». Aussi, pour peu qu’on veuille être les architectes de notre futur, nous revient-il plutôt de construire des agropoles, des unités de santé, des infrastructures économiques, dans le but de semer les graines d’une future cueillette des fruits d’un savoir-faire endogène.

Considérons l’huile alimentaire ! On nous en vend de toutes sortes, sans qu’on ne sache pour certaines, leurs provenances ni leurs compositions, alors que l’huile d’arachide, plus adaptée à la cuisine locale, coûte affreusement cher, du fait de la graine éponyme massivement exportée. Comment par ailleurs comprendre qu’en Casamance, les fruits de saison, mangue, mandarine, orange, pourrissent au sol, alors qu’on pourrait les conserver ou les transformer. De même, comment comprendre l’exportation à grande quantité de noix de cajou sans aucune valeur ajoutée.

Parce qu’il est impérieux de « compter sur ses propres forces » comme l’indique le Premier ministre, en clin d’œil à un slogan maoïste, se pose alors l’urgence de l’incarner véritablement.

Avant d’extirper la Chine de la pauvreté et d’en faire ce qu’elle est devenue aujourd’hui, à savoir la deuxième puissance économique du monde, ses habitants se sont donnés sans compter, travaillant jour et nuit dans des conditions difficiles. Au regard de la précarité et de la rareté des moyens disponibles, ils roulaient à bicyclette, disposaient de bataillons de médecins aux pieds nus sillonnant les campagnes les plus reculées, traquaient la corruption. Loin des défilés de mode et des paillettes, hommes et femmes, jeunes et vieux, dirigeants, intellectuels, paysans, portaient avec simplicité la sommaire tenue de travail dite « Mao ».

Responsabilité générationnelle

Certes, notre époque est autre mais demeure le fait qu’aucun grand dessein ne peut s’accomplir sans effort, sans sacrifice, sans humilité, sans conviction. C’est pourquoi, pour rompre avec la désespérance qui travaille de nombreux segments de la société, revient-il au gouvernement que dirige le Premier ministre Ousmane Sonko d’administrer une thérapie de choc. A lui de dérouler une autre perception du pouvoir, comme une formidable opportunité pour mettre le destin national sur les rails de trajectoires susceptibles de modifier par l’exemple les manières d’être et de faire. Ce qui suppose une rupture radicale qui ne saurait souffrir de certaines pratiques consistant à vouloir récompenser des compagnons de lutte au détriment de la compétence, encore moins tolérer la « transhumance » sur fond de sordides calculs de politique politicienne. Au demeurant, les complaintes complétement décalées de ministres de la République qui se morfondent sur la petitesse de leurs salaires vont à rebours de cela. A eux, il convient de rétorquer que l’on n’entre pas dans un gouvernement pour gagner de l’argent mais pour se mettre au service de l’Etat. Leur mission sacerdotale est donc de sublimer par l’exemple l’élan patriotique en promouvant la valeur travail et la probité.

Dans notre histoire récente on peut relever que le monde du football a bien dessiné ce chemin, avec l’érection d’écoles dédiées, la détection précoce de talents qui, à l’issue d’un bon encadrement et d’une bonne formation, sont susceptibles d’aller à l’assaut du marché national et international. Et nos entraîneurs ne sont pas en reste puisqu’ils ont montré à force de travail, d’audace et sans aucun complexe, qu’il n’était point « de sorciers blancs » mais de confiance en soi et de refus de la facilité. Avec Sadio Mané, Ismaëla Sarr, Lamine Camara et tant d’autres issus de nos centres de formation, on comprend désormais que l’excellence peut se conjuguer à partir d’un ancrage local.

Au plan musical et de la danse, il est important de célébrer le rôle pionnier de Germaine Acogny, d’un artiste comme Youssou Ndour, pour avoir complètement déconstruit ce qui les avait précédés, et qui consistait à croire que l’on ne pouvait réussir dans la musique et la danse, qu’en s’exilant ou à défaut, faire le lit de la dépravation des mœurs. Germaine Acogny, Youssou Ndour, Ismaëla Lô, Omar Pene, Didier Awadi, Coumba Gawlo Seck, pour ne citer que ceux-là, sont aujourd’hui la preuve vivante et vibrante de ce possible qui épouse la réalité.

Comment comprendre alors, près de 3 générations après l’indépendance que le Sénégal soit encore confronté dans certains secteurs à un archaïsme qui dénote un terrible déficit d’ambitions ? Globalement, l’agriculture plombée par une technologie désuète vit au rythme des saisons, l’élevage n’arrive pas à produire une réserve fourragère pour sédentariser le bétail.

Et pourtant, l’un des piliers de la souveraineté alimentaire repose sur le développement d’une agriculture locale résiliente et durable. Aussi, un gouvernement soucieux de renforcer son indépendance alimentaire doit-il investir massivement dans les infrastructures agricoles, soutenir la formation des agriculteurs et favoriser les circuits courts. Des politiques de subvention aux exploitations locales et de protection contre la concurrence déloyale des produits importés deviennent alors essentielles.

Le développement de la recherche en agroécologie et en technologies agricoles est également un levier d’importance. En adaptant les cultures aux conditions climatiques locales et en limitant la dépendance aux intrants importés (semences, pesticides, engrais), un pays peutrenforcer sa sécurité alimentaire tout en réduisant son impact écologique.

Comment comprendre par ailleurs que bénéficiant presque toute l’année d’un soleil généreux, on ne mette point les bouchées doubles sur cette énergie renouvelable, un autre domaine clé de la souveraineté. Réduire la dépendance aux énergies fossiles (jusqu’ici importées) passe en effet par une transition vers des sources d’énergie renouvelables locales, et le solaire en est une. Et nous l’avons gratuitement. L’Etat doit par conséquent encourager ces développements à travers des incitations fiscales, des investissements dans les infrastructures et un soutien aux entreprises innovantes du secteur.

Surtout que dans ce pays sourd une formidable énergie. Sur tous les plans, des jeunes notamment, filles et garçons, exhibent leurs capacités à rivaliser avec n’importe qui et dans tous les secteurs. La pandémie de la Covid a ainsi été un moment extraordinaire de créativité avec nos médecins et chercheurs, nos tailleurs, nos inventeurs. Les compétences sont là. Et le rôle du gouvernement, c’est précisément de créer les conditions pour que puissent s’exprimer et s’’épanouir les talents, dans un environnement approprié.

Nous sommes nos propres ennemis

Les générations précédentes ont faire leur part. Elles ont construit un pays autour de l’idée de Nation, de République démocratique et laïque à la mode d’un pays ouvert sur la diversité et le sentiment de commune appartenance. Elles ont lutté contre l’hyper présidentialisme, pour les libertés, pour l’égalité hommes/femmes, et rendu possibles les alternances politiques.

A la nouvelle génération de faire sa part en approfondissant cet héritage, au service d’un pays préoccupé du mieux-être des populations, notamment les plus démunies.

Si les annonces du Premier ministre vont dans le bon sens, cela voudrait signifier qu’on en finisse avec les discours qui se défaussent sur le passé colonial et sur l’arrogance hégémonique des puissances occidentales ou l’incompétence des régimes précédents. Il est question aujourd’hui, tout en oublient rien de tout cela, de ne plus subir mais d’être les sujets de notre histoire. Au gouvernement de montrer la voie et d’être concentré sur les changements à promouvoir et non sur le fait de vouloir s’éterniser au pouvoir. Une perspective qui, si elle s’avérait, serait synonyme de compromissions, de renoncements et surtout grosse de toutes les désillusions.

L’équation est pourtant simple, à l’image du choix qui s’est posé à Lee Kuan Yew, premier Premier ministre de Singapour, et décliné en cette alternative : « Voler l’argent de l’Etat, enrichir mes amis et mes parents, appauvrir mon pays, et en conséquence mettre mon peuple dans la misère » ou alors « Servir mon peuple et faire rentrer mon pays dans le rang des 10 meilleurs Nations ». Ayant opté pour le deuxième terme, les résultats n’ont pas tardé, à force de rigueur et d’engagement, puisqu’en moins d’une génération, Singapour est passé du statut de pays-sous développé et corrompu à celui de géant économique. Tout est donc possible pour peu que cela s’articule autour de choix ayant le Sénégal à cœur.

Le gouvernement dirigé par le Premier ministre Ousmane Sonko doit s’inscrire dans cette dynamique de transformation. Il ne s’agit plus d’un simple changement d’équipe, mais d’un changement de paradigme. L’exercice du pouvoir doit être perçu comme une opportunité unique de mettre le pays sur une trajectoire nouvelle, où l’exemplarité des dirigeants inspire l’ensemble de la société. Cette exigence de rigueur et d’intégrité impose un refus catégorique de certaines pratiques anciennes, motivées par des intérêts personnels, familiaux et claniques.

En cela il est question de respect du serment constitutionnel, de refus de se laisser enivrer par les effluves du pouvoir. Ce sont là des conditions impérieuses pour qui veut opérer des conquêtes, avancer et conquérir le monde. Elles supposent en effet humilité, volonté d’aller de l’avant et aident surtout à rester être sourd aux vociférations insoutenables des courtisans. On commence déjà à les entendre, à les voir s’agiter de plus en plus, à l’image de ces gens-là qui appellent à ériger une stèle pour commémorer on ne sait quoi, dans la rue qui abrite le domicile privé de Ousmane Sonko. Des broutilles sans intérêt, mais dangereux, puisque installant insidieusement dans un culte de la personnalité, genre « Maréchal nous voilà », façon Bokassa, Mobutu, Deby, à l’origine de tant de dérives sur le continent. Nous sommes décidément nos propres ennemis.

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