Développement durable et économie circulaire, numérisation, essor à l’international… Réunis à l’occasion du 37e forum de l’ESTP Paris, les dirigeants des principaux groupes de BTP se sont livrés à un exercice de prospective sur les métiers d’avenir du secteur de la construction. Ils portent des idées de diversité, adaptabilité et mobilité. Mots choisis.
Le thème choisi par l’ESTP était, cette année, celui de la diversité et de la diversification des métiers, une tendance d’avenir pour les entreprises, à la recherche de profils pluridisciplinaires aux expériences riches et complémentaires, capables d’évoluer de postes d’ingénierie pure vers des missions de conseil, d’audit ou de finance. L’ingénieur se fait donc manager. Martin Bouygues, premier à s’exprimer, évoque « le goût du challenge » qui doit les animer, et la nécessité de se frotter au terrain, « la meilleure école pour éprouver sa vocation« . Celui qui raconte avoir découvert la sienne sur le chantier des Halles, dans le centre de Paris dans les années 1970, explique : « Tous les chantiers sont intéressants, les plus petits offrant davantage d’autonomie. Mais peu offrent l’opportunité de construire des édifices exceptionnels comme l’arche de confinement de Tchernobyl ou l’extension en mer de la Principauté de Monaco« . Pour le p-dg du groupe diversifié Bouygues, « le monde est vaste, les métiers divers, mais on aura toujours besoin d’ingénieurs : ils accompagnent le développement des infrastructures, réseaux, routes, logements et usines« . Pour lui, la variété et la mixité des profils « contribuent au succès des équipes« .
La démographie, moteur principal de l’activité de construction
Pour Hervé Le Bouc (président directeur général de Colas), la relance de l’activité passera bien par les infrastructures, dans différents pays, en liaison avec la mobilité, afin de régler les problématiques de pollution et d’engorgement des axes de circulation. Même constat pour Jérôme Stubler (président de Vinci Construction), « l’activité est tirée par les travaux du Grand Paris Express, mais pas seulement, puisque l’international est riche d’opportunités« . Pour lui, le marché est « colossal » et le métier d’ingénieur, promis à un bel avenir. A l’export, il note que les pays les plus prometteurs réunissent deux caractéristiques essentielles : « la natalité, qui guide le BTP » pour répondre aux besoins essentiels (logements, eau, énergie, transports), « et la stabilité politique« , condition sine qua non pour établir une activité pérenne. Si les grands groupes travaillent aujourd’hui en Asie et Moyen-Orient, ils annoncent tous avoir les yeux braqués vers l’Afrique, qui est appelée à se développer rapidement dans les décennies qui viennent.
Le dirigeant de Colas reprend : « Le continent africain est à regarder de près. Dans 20-30 ans, les pays aujourd’hui sous-équipés devront s’équiper pour faire face à l’augmentation démographique« . « Les perspectives en Afrique sont exceptionnelles« , confirme Jacques Huillard (Eiffage), qui cite l’exemple du développement d’Abidjan, en Côte d’Ivoire, ville passée de 350.000 à plus de 3 millions d’habitants en un demi-siècle. Philippe Bonnave (Bouygues Construction) tempère : « Nous restons soumis à la géopolitique, et les changements peuvent être rapides, comme dans le cas du Nigeria, où tous les chantiers sont aujourd’hui à l’arrêt« , suite à la chute des cours du pétrole. « Il faut donc s’adapter à très grande vitesse, avoir le sens de la mobilité, c’est un état d’esprit« , analyse-t-il devant les jeunes ingénieurs.
Numérisation et développement durable
Autres facteurs d’évolution des métiers de la construction, la numérisation toujours accrue, et la préoccupation environnementale, placée au centre de la démarche de développement des projets. « Le domaine du numérique entraîne le développement de nouveaux usages et de nouveaux services. Il ne faut pas se faire doubler par des sociétés qui apparaissent comme concurrents potentiels dans le ‘big data’, ou les ‘smart cities’, car nous sommes les interlocuteurs naturels des donneurs d’ordres publics« , fait valoir Philippe Bonnave. Il poursuit : « Le développement et la construction durables sont une révolution. Il faut économiser les matières premières, reconcevoir les bâtiments et les villes avec cette nouvelle préoccupation« . Le président-directeur général de Bouygues Construction évoque le projet de « Société à 2.000 Watts » conceptualisé par l’école polytechnique fédérale de Zurich qui prévoit de réduire la puissance nécessaire par individu en la divisant par trois, grâce à des mesures d’économie et de sobriété énergétique. Un projet global qui donnerait son sens à l’économie circulaire. Son homologue de Colas, Hervé Le Bouc, assure : « Les efforts du groupe sont axés vers le développement durable. Le but est de récupérer la route à détruire pour la remettre en œuvre tout de suite« . Environ 15 % des déchets seraient aujourd’hui recyclés, une part qui ne cesse d’augmenter pour atteindre bientôt les 20 à 25 %. « Demain, il n’y aura plus de déchets de chantier« , affirme-t-il.
Jérôme Stubler, lui aussi, s’exprime sur la durabilité : « Construire durable c’est construire pour 70 ans au lieu de 30« . Il évoque les changements d’usage des bâtiments ou encore la réutilisation des granulats issus de la déconstruction. « Il y aura de nouveaux métiers, c’est une filière industrielle en train de se construire. Il y a aujourd’hui une révolution par l’obsolescence de bâtiments, qui a débuté par une prise de conscience il y a 10 ans. Et dans les 10 ou 15 ans qui viennent, ils deviendront tous à énergie positive« . De quoi encore faire plancher les élèves ingénieurs et jeunes diplômés de l’ESTP.
source : Bati Actu