El Hadji Sy

Date:

Elsy© Malick MBOW

Exposition : Now / Naaw à Selebe Yoon, Dakar 2022.

Après plus de cinquante ans de carrière, témoin d’une société colonisée en transition, acteur d’un modernisme sénégalais naissant, le parcours d’El Hadji Sy est transnational à travers ses voyages en Occident, en Afrique du Sud à l’aube de l’apartheid mais s’inscrit profondément dans sa ville natale, Dakar, qu’il n’a jamais voulu quitter.

Dès sa sortie des Beaux-Arts de Dakar en 1977, il défie la politique culturelle de l’état et l’idéologie de la négritude; il reçoit néanmoins le soutien et l’admiration du président Léopold Sedar Senghor avec lequel il ne cessera de dialoguer et de se confronter. Dans les années 1970, il marche, piétine, danse et peint pieds nus sur la toile, tel un acte de rupture face à la tradition esthétique des Beaux-Arts. Peintre avant tout, ses oeuvres faites à partir d’une variété de supports et de matériaux tels que des toiles de jutes industrielles, du papier de boucherie ou papier recyclé, du verre, du bois, du goudron, des coquillages, sont de nature performatives. Mobiles telles des accessoires sur scènes, semi-fonctionnelles, brouillant ainsi les frontières de l’utilitaire et de l’esthétique, ses pièces se métamorphosent en des paravents, des portes, des fenêtres, des cerfs-volants, du mobilier ou des structures itinérantes.

Sa démarche, inscrite dans le politique, se manifeste par une peinture à la fois figurative et abstraite, d’une grande musicalité visuelle où les corps et les formes se soumettent à une ondulation permanente. Ses pièces évoquent parfois des réponses esthétiques à des événements historiques tels que les 228 portraits de la pièce “Joola” (2003) en référence au naufrage des côtes sénégalaises de 2002 mais encore “Archéologie Marine” (2014) – une oeuvre monumentale présentée à la Biennale de São Paulo en hommage aux morts de la traite négrière. Qu’il s’agisse d’interprétations poétiques d’événements politiques, de restitutions de scènes quotidiennes du Sénégal, des portraits de figures politiques, intellectuelles, mythologiques ou ordinaires, ou de références à l’urbanisme chaotique dakarois, ses oeuvres entremêlent commentaires politico-socio-économiques et réflexions critiques sur les systèmes de production culturelles et mondialisés. Emprunt du langage du théâtre, ses expositions sont une “mise en espace”, visant à des articulations poétiques entre le théâtre, la musique, la danse, la littérature, le design.

El Hadji Sy refuse le dictat muséal du « ne pas toucher » qui sanctifie l’oeuvre d’art et impose un rapport de distanciation contemplative aux visiteurs. Dans ses expositions, il subvertit l’espace, impose une chorégraphie au visiteur qui doit contourner, traverser, ouvrir ou fermer l’oeuvre afin d’y avoir accès.

Engagé dans le développement d’infrastructures autonomes pour les artistes basés au Sénégal, El Hadji Sy a créé des complexes d’ateliers tels que le premier Village Des Arts de 1977 à 1983, dont les artistes ont finalement été expulsés, et un second en 1996 dans un ancien camp de travailleurs chinois – l’actuel Village Des Arts. Alors que l’exposition controversée « Primitivism in the 20th Century » au MoMA ouvre ses portes en 1984, El Hadji Sy conçoit la même année une collection d’art contemporain sénégalais pour le Weltkulturen Museum de Francfort – un travail de pionnier qui aboutit peu après à la première anthologie des arts plastiques contemporains sénégalais, préfacée par Léopold Sedar Senghor. Engagé dans l’écriture d’une histoire non-occidentale et moderne, il a été invité par la commissaire d’exposition Clementine Deliss comme co-commissaire de l’exposition « Seven Stories about Modern Art in Africa » à la Whitechapel Gallery de Londres en 1995 pendant Africa95.

En 2015, une rétrospective majeure Painting, Performance, Politics au Weltkulturen Museum lui est consacrée dans laquelle ses oeuvres sont mises en relation avec la collection ethnographique du musée; apportant ainsi une réflexion critique sur la muséologie.Tout au long de sa carrière, il développe des manifestations collectives dont le project space « Tenq » avec lequel il organise des workshops internationaux dans les années 1990 et « Huit Facettes » – collectif développant des activités créatives rurales, dont le travail est présenté à Documenta 11 en 2002.

Tout au long de sa carrière, il a participé à des initiatives collectives telles que l’espace de projet « Tenq » avec lequel il a organisé des ateliers internationaux dans les années 1990 ainsi que « Huit Facettes » – un groupe d’artistes qui a entrepris des projets créatifs dans des zones rurales, puis présenté à la Documenta 11 à Athènes en 2002.

El Hadji Sy travaille et vit à Dakar.

Œuvres d’artistes

Biographie de l’artiste

El Hadji Studio dans son atelier, Dakar, 2021

Copyright : Selebe Yoon

Artiste pluridisciplinaire, activiste culturel, commissaire d’exposition et historien de l’art, El Hadji Sy (né à Dakar en 1954) est l’un des artistes pionnier du Sénégal après les indépendances et l’un des membres fondateurs d’un des collectifs historiques les plus importants d’Afrique fondé en 1974 – le Laboratoire Agit-Art.

En tant qu’activiste culturel, El Hadji Sy a toujours été impliqué dans le développement de l’art et de la culture de son pays à travers des initiatives collectives. En 1977, il a fondé le premier Village des Arts dans un ancien camp militaire situé au centre ville de Dakar. Contraint de fermer, il reprend ensuite un camp chinois et le transforme en ateliers d’artistes – l’actuel « Village des Arts ». Tout au long de ces années, il organise des ateliers internationaux avec l’espace de projet et le groupe d’artistes « Tenq » ainsi que « Huit Facettes » – un collectif intervenant en milieu rural dont le travail a été présenté à la Documenta 11 en 2002. En 1984, il est invité à constituer une collection d’art contemporain du Sénégal pour le Weltkulturen Museum – un musée ethnographique de Francfort – et publie à cette occasion la première anthologie des arts plastiques contemporain du Sénégal, préfacée par Léopold Sédar Senghor en 1989. Cette recherche – publiée un an avant « Les Magiciens de la Terre » au Centre Pompidou à Paris (1989) – contextualise l’art contemporain du Sénégal et révèle une modernité non-occidentale. En 1995, il a été invité en tant que co-commissaire par Clémentine Deliss pour l’exposition « Seven Stories about Modern Art in Africa » à la Whitechapel Gallery pendant le festival Africa95. Au niveau international, son travail a été exposé dans de nombreuses institutions telles que le Museum of Fine Arts, Boston (1980) ; Linda Goodman Gallery, Johannesburg, (1995) ; Documenta 14, Kassel (2017) ; U-jazdowski Castle Center for Contemporary Art, Varsovie (2016) ; la National Gallery, Prague (2016) ; la Biennale de Sao Paulo (2015) ; Blum & Poe Gallery, Los Angeles (2020) ; Kunstverein, Hambourg (2021), entre autres. L’artiste a reçu une  rétrospective Painting, Performance, Politics, organisée par l’artiste avec Clémentine Deliss, Yvette Mutumba et Philippe Pirotte au Weltkulturen Museum en 2015. Des objets de la collection ethnographique du musée, sélectionnés par l’artiste, ont été mis en dialogue avec son travail proposant ainsi une réflexion critique sur la muséologie. À Dakar, il est l’un des seuls artistes sénégalais à avoir exposé au Musée Dynamique en 1966, après Pablo Picasso (1972) et Pierre Soulages (1974). El Hadji Sy a travaillé avec de nombreux conservateurs, notamment Clémentine Deliss, Hans-Ulrich Obrist, Alison Gingerich et Peter Pakesch. Son œuvre est dans un certain nombre de collections importantes – Weltkulturen Museum (Allemagne), la Fondation Blachère (France), David Bowie (USA), Bassam Chaitou (Sénégal), Kehinde Wiley (USA/Sénégal), Jean Loup Pivin (France). Bien qu’il ait voyagé et exposé à l’échelle internationale, El Hadji Sy a toujours travaillé et vécu à Dakar, au Sénégal.

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